Pour être libres et créer, est-ce que les femmes seront toujours condamnées à vivre seules ou à ne vivre qu'avec des êtres capables de solitude, capables d'aimer sans les épuiser?
Est-il possible qu’après avoir longtemps vécu en marge de l’histoire nous ayons commencé de mourir lorsque nous y sommes entrés, impatients de répéter la vieille illusion humaine qui croit repousser la mort en maîtrisant le monde, plutôt que de l’empêcher de vieillir en le redécouvrant chaque matin, en faisant de chaque jour une aventure ?
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Quand je désespère de notre espèce, je me dis que que « le chaînon manquant entre le singe et l’homme, c’est nous » …
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barques condamnées à pourir sur la plage par peur du large
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Le monde serait moins stagnant si tous les retraités étaient conscients que leur oisiveté n’est pas inutile, que leur solitude n’est pas une malédiction, que l’une et l’autre sont leur dernière chance d’être plus grands que leur destin …
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Si la rencontre de Champlain et des Indiens à l'embouchure du Saguenay a été l'événement le plus important de notre histoire, c'est que les deux versants de la conscience y convergeaient, comme les eaux douces et les eaux salées dans le fleuve qui coule et pourtant reste le même, car il naît de sa source et de sa fin.
Il sait maintenant que la seule façon d'enrayer la terreur de mourir dont procède toute violence, c'est de réussir à domestiquer l'infini, à se faire une maison de cet espace glacé et muet qui se déploie à l'extérieur de nous en le reliant à cet autre espace enfoui en nous dans lequel nous n'osons descendre.
Elles ne voient pas dans le fleuve cette flèche que le temps ne cesse de décocher et qui va se ficher ou se perdre on ne sait où, mais une sorte de balançoire qui fait la navette entre le ciel et la terre et dont le bruit, comme une berceuse, répète que le temps passe mais toujours revient.
C'est vrai que les gens heureux n'ont pas d'histoire, qu'on écrit davantage sur le malheur, mais c'est le bonheur, ne serait-ce que le bonheur d'écrire sur le malheur, qui fait écrire, car on ne peut penser, écrire, vivre qu'en croyant pouvoir être plus grand ou aussi grand que ce qui nous blesse et menace de nous détruire. Le jour contient la nuit, l'enchantement borde la détresse, sinon comment pourrions-nous survivre à notre folie et même aspirer à dormir, mourir comme au plus grand bonheur?
(...) quand donc prendra fin cette haine de la vie, cette guerre silencieuse contre les femmes dont toutes les autres guerres ne sont que le prolongement? (...)