Cinq cents détenus : la plus petite cargaison dont Genrikh ait eu la charge. Sous Staline, le bateau en aurait contenu quatre fois plus à cette époque de l'année, pour tenter de désengorger les camps de transit où les trains emplis de prisonniers continuaient d'arriver alors que les navires restaient à quai. La mer d'Okhotsk n'était navigable qu'après la fonte des glaces.
« Les frères et sœurs allaient en classe pour apprendre la loyauté envers l’Etat, et non pour renforcer leurs liens familiaux »
(pour justifier le fait que les enfants n’étudiaient pas dans la même école)
Trente dénonciations sur toute une vie, c'était peu. (...) Il aurait dû prier pour eux chaque soir. Au lieu de quoi il les avait laissé glisser de sa mémoire comme la pluie sur une vitre. Il avait trouvé plus facile d'oublier que de demander pardon.
e n’ai pas eu le choix
Des milliers d’innocents étaient morts à cause de cette phrase, pas sous les balles, mais au nom d’une logique perverse et de savant calculs.
- Tu ne crois pas qu'il faudrait en savoir un peu plus avant de tuer quelqu'un ?
- Fraera m'a donné un ordre. J'obéis.
- Exactement ce que diraient les tchékistes pour justifier leurs actes : qu'ils ont obéi aux ordres.
Arkhangelsk : mon premier poste. J'étais chargé de surveiller les prisonniers qui travaillaient dans la forêt. Ils abattaient les arbres, les débitaient pour le transport. J'étais novice, soucieux de bien faire. J'avais ordre de fournir un certain nombre de stères par mois. rien d'autre ne comptait. Je devais atteindre les objectifs, comme vous tous. A la fin de la première semaine, je me suis aperçu qu'un prisonnier trichait pour atteindre les siens. Si je ne l'avais pas découvert, mes comptes auraient été faux et on m'aurait accusé de sabotage. Alors, vous voyez... C'était une question de survie, rien d'autre. je n'ai pas eu le choix. je l'ai fait attacher nu à un tronc d'arbre. C'était l'été. Au crépuscule, il avait le corps noir de moustiques. Le lendemain matin il avait perdu connaissance. Le surlendemain il était mort. J'ai ordonné qu'on laisse son cadavre dans la forêt à titre d'avertissement. Pendant vingt ans je n'ai pas eu une seule pensée pour cet homme. ces derniers temps je pense à lui tous les jours.
Le port septentrional de Magadan était le point de passage obligé vers un réseau de camps de travail qui avaient poussé comme des champignons dans les montagnes et les forêts de la Kolyma.
Le port septentrional de Magadan était le point de passage obligé vers un réseau de camps de travail qui avaient poussé comme des champignons dans les montagnes et les forêts de la Kolyma.
Dix-neuf ans de service, deux pages de dénonciations, près de cent noms et pourtant il n'avait livré qu'un seul membre de sa famille :
Iona Radek. Cousine. Exécutée.
Avec un instinct de survie si développé, cet homme faisait un piètre candidat au suicide.