Il y a de ces lectures qui vous envoûtent; vous font oublier où vous vous trouvez et ce qui encombre votre quotidien. Celles-là vous amènent très loin et jamais ne donnent envie de quitter le voyage. Ce 3e tome de la Malerune ne fait pas partie de ce lot.
Après d'innombrables soupirs et autant de combats pour conserver mon attention sur le livre, j'en suis venue à la conclusion qu'il manquait définitivement quelque chose d'essentiel pour que la magie opère.
Le lecteur averti ne veut pas se faire décrire les événements, il veut les vivre.
Or, à titre d'exemple, voici comment Michel Robert traite un passage de guerre particulièrement violent : « Sur la tête des Borghs furent jetés des dizaines de fagots enduits d'un liquide combustible, aussitôt suivis d'une torche allumée. Les Maûnes n'eurent pas le temps de réagir, emprisonnés par de hautes flammes, ils brûlèrent en s'agitant vainement. Pour faire bonne mesure, les Pégölas provoquèrent l'avalanche de pierres qu'ils avaient préparée ».
N'ayant heureusement jamais assisté à une horreur pareille, je peux toutefois dire sans me tromper qu'en un tel carnage, les cris désespérés des proies à l'agonie, souffrant le martyr en tant que torches vivantes, devaient percer les tympans et déchirer l'âme des témoins les plus endurcis. L'odeur devait être à la limite du supportable puisque même un simple cheveu qui brûle emplit les narines d'une puanteur incomparable, alors pour ce qui est de la chaire qui fond, en plus de tout le reste… Mais la scène, sous la plume de Michel Robert, reste muette à ces éléments : on décrit froidement comme on le ferait d'une banalité, d'un passage obligé : « ils brûlèrent en s'agitant vainement ».
Vous me direz que l'auteur est journaliste et qu'il s'agit d'une déformation professionnelle que de traiter ainsi certains événements. Oui mais voilà, ici, il prend le rôle d'écrivain et il a d'autres responsabilités que celle de simplement « informer ». Par ailleurs, d'autres auteurs, pour ne citer que
David Gemmell, ont aussi été journalistes avant de se lancer dans l'écriture de romans et ils offrent malgré tout une vision vivante et complète des scènes qu'ils partagent avec le lecteur.
Cette vision limitée, écourtée et incomplète sous la plume de Michel Robert ne permet donc pas d'être considérée comme « captivante ». À cela s'ajoutent également des faux pas au niveau de la cohérence des idées exprimées.
C'est entre autres le cas lorsque trois des personnages principaux deviennent captifs de Maûles en pleine forêt et que Lucia, en liberté et usant de flèche et d'une épée à la faveur de la nuit, s'échine à éliminer un à un chacun des tortionnaires (qui sont à distance de vue des captifs) plutôt que de libérer ses acolytes dont deux étant beaucoup mieux placés qu'elle pour venir à bout rapidement de cette bande de malfrats : le mage Zétide et Hugo le lycante guerrier.
D'autant plus qu'après deux jours, elle décide d'affronter seule les cinq adversaires restants. Et que dire de l'idée subite d'Ariale, après tout ce temps, de demander à Shruti (son animal de compagnie bien camouflé et toujours à ses côtés) de ronger les liens du sorcier pour aller en renfort auprès de Lucia? Un peu lent, comme temps de réflexion, non? Sans compter que l'un des poursuivants de Lucia avait quitté la poursuite pour « se soulager derrière un fourré », avec les conséquences qu'on imagine trop facilement…
Comme pour le tome précédent, on retrouve les couleurs particulières de l'auteur telle la tendance au cannibalisme (dont les personnages ne semblent pas s'émouvoir outre mesure) et l'omniprésence du réveil de la libido masculine devant le personnage de Lucia (devenue sous la plume de Michel Robert une guerrière irrésistible même aux yeux des créatures du Maûne).
Tant qu'à souligner les clichés, que dire de Hogo, présenté dans le premier tome comme étant l'assistant et protecteur de Zétide, mais devenu ensuite « l'imbattable prince guerrier au leadership incontesté »… qui, naturellement vu cet ordre d'idée, va s'amouracher de la belle Lucia au point d'amener le lecteur à se demander si le sujet de l'histoire réside dans cet idylle amoureux plutôt que dans la recherche des arcanes pouvant rétablir l'Équilibre (cette quête semblant plutôt devenir un prétexte à offrir un contexte pour la relation amoureuse des deux personnages clairement mis au premier plan par ce second auteur).
Bref, après avoir lu le quart seulement de ce troisième tome, j'ai abdiqué. Tant mieux si l'écriture s'améliore par la suite, mais alors, aux autres d'en juger!