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Citations sur Le cycle du pays natal (10)

Me conduire en des lieux écartés


  Avant que ma voix ne devienne  isolée,  j’eus mon pays
près de moi.  Les fontaines, les joncs,  les chevaux étaient
les relais de mes voyages ; de lentes et claires eaux étaient
mes promenades ; et mon sommeil  était  d’un  feuillage
tendrement et lentement gonflé de bruits.

*

Les fontaines, les plantes, les incertaines lunes
Furent mon logis ; les ronces méprisées furent ma fortune.

Les plantes lentement bruissantes et bougeantes
Aujourd’hui, malgré trente langues, trente sciences,
Seraient mon âme, ma vie en ses travaux enfin stagnante,
S’il n’y avait encore trente autres langues et sciences ;
Ma tête resterait ferme, après avoir été dix folies,
S’il n’y avait trente, quarante, mille autres folies.
Sans doute j’aurai besoin que les vents et les ruisseaux
Me guident, que les taureaux encore mettent leurs museaux
Dans mes jours abreuvés de lentes eaux.
  ... Je voulus désespérer une voix désespérée, la conduire en
des lieux écartés, la perdre et revenir souriant vers des plantes
souriantes.
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L'illettré

Devant les bois, les blés, j'étais béat benêt :
Je lisais ce qui ne se lit pas :
Les nuages, les vents, les rochers, les ébats
De la lune dans les bois.

Et le ciel avec son grand étang courbé
Où le soleil tout le jour accroît son caillou,
Onde par onde, et le déferlement changeant
Des nuages disposaient de moi.

Les arbres tournaient lentement en moi
Leurs pages tantôt bruyantes, tantôt muettes
Tantôt épaisses et jaunies, les saisons
Me donnaient des leçons.
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Avant que ma voix ne devienne isolée, j'eus mon pays près de moi. Les fontaines, les joncs, les chevaux étaient les relais de mes voyages ; de lentes et claires eaux étaient mes promenades ; et mon sommeil était d'un feuillage tendrement et lentement gonflé de bruits.
[...]
Sans doute j'aurais besoin que les vents et les ruisseaux
Me guident, que les taureaux encore mettent leurs museaux
Dans mes jours abreuvés de lentes eaux.
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J'ai commencé par le breton,
Brume exquise où l'âme se mire d'une brume à l'autre
Et n'arrive jamais à se dévoiler :
Grand effort dans la brume !
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Prière

Mère qui fus si sainte dans ta simple vie
De bruyère ignorée,
J’ai besoin que tes doigts harassés mais vaillants
Me montrent le Christ,
Ce bon seigneur qui fleurissait sur les vitraux.

Mère, si le Christ existe, tu es près de lui,
Là-haut sur ce ciel courbe,
Tu te penches près de lui comme un trèfle.

S’il existe, dis-lui
Que ton fils dans un enfer mène sa vie,
Qu’il a besoin de passer humblement près de lui.

Dis-lui
Que je voulais n’avoir pas besoin de lui.

(p. 72)
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L’homme qui fit tous les tours

Quand j’aurai rendu visite aux hommes du monde entier,
Quand à travers leurs mots, leurs chants, leurs plaintes j’aurai partout passé, ayant comme laissez-passer
Auprès d’eux tous ma fatigue et mon effort de nuit et de jour

Quand, pour comprendre un mot de plus d’un frère éloigné,
J’aurai donné mes aurores, mon sommeil, mes songes pendant dix années,
(Que fait-il en Chine, cet homme-là
Et celui-là, que fait-il dans l’Arabie ?
Qu’ont-ils fait dans tous les temps, dans tous les pays ?


Lorsque j’aurai servi les plus grands de tous,
Pouchkine, Ady, Fröding, Imroulqaïs, Tou Fou,
Essénine, Maïakovsky, Palamas,
Lorsque j’aurai vécu sans sommeil, sans lit,

Je déboucherai sur un grand désert,
Sans personne,
N’ayant plus que moi-même ;
Je devrai m’expliquer avec les étoiles,
M’en aller tout petit sous la grande clarté de la nuit,
Très âgé,
Comme un qui a traversé les pays et les âges.

Mais je me sentirai jeune de la terre traversée, aimée,
J’aurai pour m’apaiser toute la terre consolée.

(p. 86-87)
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Si je n’avais que moi…


Si je n’avais que moi, si je n’avais que ma vie,
Je saurais me taire, me terrer.
Je veux que chaque seconde
Soit habitée d’un million d’hommes.

Je tiens toute ma tête
Comme un fil d’araignée,
Comme une couronne de rêve et de rosée
Que rompt chaque tête rapide
D’homme allant au travail.

L’avant-aube où je vis est affairée.
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Sous la lune d’été

Sous la lune d’été
J’ai rêvé de nuits plus claires.
J’aime la vie des hommes comme la vie des doux insectes
Qui ne naissent que pour un seul jour
Et laissent un nom qui tremble.

Proie pour la poésie,
Chaque homme vit des instants d’élite
Et j’ai pour tous admiration, pitié !

Il faut comprendre
Le monde d’émotions
Qu’un seul instant de nous enferme.
Le moins de mots possible et le silence !

(p. 46)
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     Longtemps j’ai vécu de plantes…




     Longtemps j’ai vécu de plantes, de couchants, de chevaux ; les camarades vents et ruisseaux me guidaient, je les suivais obscurément dans leurs légers voyages et parfois quelques notes de leurs chansons de route se posaient dans mon cœur, y mouraient en murmure presque muet ; tel un bruit qui le soir se détourne pour s’endormir dans le premier buisson qui s’obscurcit.
     Soudain allègrement et douloureusement je me mis en quête d’un règne où plus aucune aide ne pût me parvenir.
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La protestation

LE JONC
Avec mes gestes qui se courbent,
Frêlement,
Je proteste contre le japonais.
Je sais que je n’aurai pas d’effet.

LE CHÊNE
J’ai le droit de te gronder :
Je t’avais donné de l’écorce, des feuilles nombreuses et touffues,
Et tu me trahis, tu prends du chinois.

LE ROCHER
Quand il marche sur moi, pieds égarés,
Je sais lui pardonner,
Mais il m’a délaissé
Pour le finlandais, le patagonais.

LE CIEL
Avec mon soleil avec ma lune avec mes étoiles
J’éclairais les ronces qui le cachaient
Et ma grande histoire de nuages passagers
Etait mon alliée.

L’EAU SAUVAGE
Sauvage, je le suis plus que lui ;
Mieux que lui hors de toute main je fuis ;
Mais ces choses dont il s’occupe
Sont plus éphémères que mes eaux.
Qu’il cherche encore dans mes eaux son visage,
Et l’image où les choses s’embellissent
Et flottent sur un courant qui tremble.

LA GRENOUILLE
Jadis il s’allongeait,
Montagne ombreuse, près de mes renflements bleus et verts ;
Toute petite, je sentais en lui bouger
Les immenses, humides prés.
Aujourd’hui il apprend les signes les plus purs pour se dessécher ;
Il fait exprès de ne plus savoir s’incliner,
Il désapprend le vent.

MOI
Le chêne me gronde,
Le monde du vert, du frais
Dur, éphémère,
Me prend dans sa ronde,
M’arrondit pour propriété.

LE MONDE
Toute richesse, spontanément,
Chez lui s’est offerte ;
Nous lui fîmes largesse ;
Lui,
Il prit sanscrit, hébreu,
Se sépara, lépreux,
Sahara monologuant
Avec le vent, le néant.

LA VOIE LACTÉE
Sa grande amicale poitrine blessée
Au long de nous s’est courbée avec son lait.

MOI
Les arbres pour toujours m’ont couvert d’un langage
De feuilles, de printemps, de fraîcheur, de rosée
Infini, inlassé
Mais aujourd’hui
Je veux être avec les signes du monde entier,
Je veux être avec les hommes partout dans le monde entier.

(p. 41-43)
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