Sur la couverture du livre se déploie, sur un fond noir permettant de mieux mettre en avant la couleur des chairs à vif, une « Femme vue de dos, disséquée de la nuque au sacrum ». Certains petits malins l'appellent aussi « L'Ange anatomique ». Il fallait bien
André Breton pour trouver une telle dénomination mais d'autres « poètes » du langage, enthousiasmés par la redécouverte de certains procédés picturaux
De La Renaissance, se sont aussi laissés porter par leur verve. Ainsi
Jacques Prévert décrivit-il ce morceau de chair palpitante : « Une jolie jeune femme aux épaules nues ou plutôt dénudées avec la peau rabattue de chaque côté… Horreur et splendeur viscérale ».
En 1996, à Paris et à Lausanne, L'anatomie de la couleur est une exposition qui retrace l'évolution des procédés permettant de coloriser les estampes. Si, pour attirer le chaland, le titre et la couverture nous laissent penser qu'il sera uniquement question de dissections, le contenu du catalogue est en réalité plus nuancé. Avant de manier le scalpel et le bistouri, les inventeurs de l'estampe coloriée ont aussi représenté des scènes plus classiques. Paysages, scènes mythologiques, portraits officiels ou religieux permettent de réaliser les premiers essais de colorisation.
Le catalogue se présente comme un livre de vulgarisation à part entière. Découpé en plusieurs chapitres denses, il retrace d'abord un historique général de l'estampe et de ses premiers procédés de colorisation avant de se concentrer sur quelques grands noms tels que Jean L'Admiral ou Gautier-Dagoty. Malgré la volonté de rendre l'invention de l'estampe en couleurs, simple et compréhensible, le discours ne sera pas accessible par le commun des mortels. Des prérequis sont nécessaires pour comprendre les subtilités caractérisant les différents âges la technique.
Restent les estampes qui parlent d'elles-mêmes de l'évolution et du perfectionnement de la technique. Approchant de la Renaissance et de son florilège de découvertes anatomiques, les écorchés vifs se multiplient. Qu'ils se nomment « tronc vu de face, disséqué », « Intestins, planche anatomique » ou « squelette avec le coeur en position », ils nous permettent de comprendre la pensée qui relie émulation artistique et médicale. Reste à savoir quel domaine a le plus influencé l'autre. La médecine aurait-elle d'abord été une imagination macabre se nourrissant des détails les plus morbides ? On le croirait presque...
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