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Critique de Dandine


Fin des annees 30, les annees d'apres la grande depression. Une petite ville perdue de la Caroline du Nord et ses environs immediats. Tout le monde se connait, ou presque, tout le monde s'envie, tout le monde essaie de rouler son voisin, ou presque. Chacun essaie de survivre, et pour tirer ses marrons du feu tous les moyens sont bons. Ou presque? Ben voyons!

Y'a pas comme les amerloques pour extirper de ca un bon polar. Et y'a pas comme James Ross pour le shooter en beaucoup plus que ca.


Le narrateur, Jack McDonald, crible de dettes, doit abandonner son petit lopin de terre pour travailler dans une station d'essence que le patron rehausse en roadhouse, un etablissement ou on peut boire, manger, boire, danser, boire, jouer, boire, et plus si affinites. Mais ses difficultes financieres amenent le patron a tenter un mauvais coup pour se faire de l'argent, un coup macabre ou il entraine Jack. A partir de la, le roadhouse devient le centre du recit, ou passent toutes sortes de personnages, des clients des environs, des jeunes qui viennent faire la bringue, la femme d'un magnat de l'industrie en quete d'emotion fortes, un sheriff corrompu qui doit enqueter mais dont le seul souci est de se faire reelire, et jusqu'au grand maitre de la politique locale, le prototype du maffieux. On parle beaucoup, de base-ball, de baise, les rumeurs et les nouvelles se propagent dans les vapeurs d'alcool, et la tension monte entre nos deux comperes, qui se surveillent, essaient de se rouler et finissent par se hair. Et Ross fait monter la tension sur l'incertitude ou ils vivent jour apres jour, jusqu'a la fin, en un denouement qui ne fait que nous ramener en arriere, au debut, car en ce coin d'Amerique rien ne peut changer vraiment, le reve americain n'est qu'un reve.


Ross nous donne quelque chose de tres different des hardboiled de l'epoque, abondants en bagarres, en coups de feu, en poursuites. Ici pas de grands malfrats, pas de grands detectives, que des paumes. Plus que le recit d'un crime – car il ya quand meme un crime – ce qui interesse Ross c'est de presenter et decrire les nombreux personnages qui peuplent sa narration. Et son regard sur ce petit univers est empreint d'une tendresse amere et triste: pour se tirer de la misere tous les moyens semblent valables, et beaucoup ne sont diriges que par la cupidite, mais cela aussi est humain.

En fait Ross, bien qu'il ecrive un polar, est plutot a rapprocher du Caldwell de la route au tabac et du Petit arpent du bon Dieu, du Steinbeck de Tortilla Flat et de Rue de la Sardine, decrivant la precarite d'une epoque et des tentatives de survie plus ou moins picaresques. Plus tard, dans une veine proche, Charles Williams ecrira son celebre Fantasia chez les ploucs. Et surement aussi le Pottsville 1280 habitants de Jim Thompson est a rapprocher de cette veine. Ross n'a pas l'humour ou excellera Williams, mais il a un style bien a lui, minimaliste, concis, nerveux. Les dialogues sont muscles, comme les relations entre les differents personnages, et les descriptions extremement visuelles, de vraies photos ou de vraies scenes de films. Hemingway ne desavouerait pas ce style car meme les descriptions sont comme de l'action.


Je n'arrive pas a comprendre comment ce livre a connu un insucces notoire a sa parution en 1940. A tel point que personne n'a voulu publier d'autre chose de Ross. Il est reste l'homme d'un seul livre. Ce n'est que des dizaines d'annees plus tard qu'il a trouve une audience grandissante, toutefois moins grande que celle qu'il merite. A mon humble avis. Parce que pour moi, c'est un must.
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