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Critique de SeelanddeTahiti


En voilà un livre sans concessions et qui m'a enthousiasmé ! Les livres de Philip Roth faisaient partie de ces oeuvres dont je ne m'étais jamais approché dans une librairie, bien que je les savais jouir d'une excellente réputation, mais il en va ainsi de la lecture : on vogue d'un livre à l'autre, et on en oublie la fréquentation d'autres dont certains ont vanté les mérites. Parfois, c'est un vrai repoussoir. Et puis il y a des jours où on a l'esprit sans a priori, et où on pioche chez un libraire un livre au hasard. Et voici un heureux hasard !

L'Amérique de ce roman de Roth, c'est celle des années 50, qui est toujours porteuse du fameux rêve américain, un véritable eldorado et particulièrement pour la communauté juive, qui se ressaisit de son destin après avoir été confrontée à la pire barbarie. L'Amérique de tous les espoirs, ceux du père du narrateur, obscur petit agent d'une compagnie d'assurances, qui fonde les plus grands espoirs pour son fils. Tout y est plantureux, et surtout les filles que le narrateur, revenant sur son adolescence, ne peut s'empêcher de désirer, même si ce ne sont que des shikses, des filles qui ne sont pas juives.

Car Alexander Portnoy fantasme… il n'a presque plus que ça pour échapper à la pression familiale, et surtout à la dominante essentielle qui conditionne toute son existence : il est juif. Avec un humour dévastateur, qui n'épargne personne et pas le narrateur lui-même, qui se décrit souvent comme pitoyable, et une ironie toujours aux aguets, Roth déchiquète l'atmosphère ultra pesante de la communauté à laquelle son personnage appartient. A la fois fierté et accablant paradigme de sa vie, le narrateur est toujours aux prises avec son identité juive. Elle le nourrit et le dévore tour à tour, l'isole aussi comme le mur d'une forteresse de laquelle il aperçoit les jeunes filles en fleurs américaines aux fenêtres des maisons de leurs parents goy, et quand il lui arrive de sortir avec l'une ou l'autre fille de cet « autre monde », le décalage d'identité fait toujours fatalement voler en éclats toute perspective d'un avenir commun. Perdu dans une sexualité compulsive, le narrateur fonce dans le mur, se cogne, se relève et finit par faire le voyage qu'il pense être celui de sa vie, un voyage en Israël où il espère qu'il sera révélé à lui-même et pourra enfin entrer en conformité avec son identité. Mais le dénouement ne sera pas celui qu'il espère. Sans en dire plus…

Un humour ravageur, une ironie cinglante, on est dans une boîte secouée dans tous les sens avec le narrateur et on percute sans merci les murs de celle-ci. Ce texte a plus de quarante ans, mais sa portée est intemporelle et universelle. Salutaire en ces temps de communautarismes exacerbés. Un excellent livre.
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