AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de keisha


Tiens tiens, un livre de Jean Rouaud indiqué comme roman, sortirions-nous, en même temps que des éditions de minuit, de sa veine autobiographique?

"J'avais jusqu'à maintenant régulièrement repoussé les prétendants à ce périple romanesque, leur expliquant qu'avoir accueilli une tante Marie dans mes ouvrages ne m'obligeait pas à m'intéresser à toutes les cousines Bette, qu'avoir respiré les gaz de combat au cours du premier conflit mondial ne faisait pas de moi le porte-parole des anciens combattants, et que l'évocation pluvieuse de ma terre d'enfance renvoyait moins à la Loire -Inférieure qu'aux petits hommes vêtus d'un manteau de paille courant sous l'averse dans une estampe japonaise."
Toujours prompt à blaguer sur lui et à se moquer gentiment des reproches qu'on lui fait.

Bref, nous sommes en 1871, aux alentours du Puy, en train puis en diligence, admirant Constance Monastier, la "plus belle ornithologue du monde". Épouse d'un soyeux des Cévennes, maman de Louis qu'elle vient de visiter à son école à Versailles; elle a tout d'une bourgeoise bien intégrée. Pourtant son enfance, quoique heureuse, fut courte, et son adolescence et sa vie de femme mariée franchement lourdes à vivre.
Survient un inconnu. Octave, ayant fui Paris où il a participé à la Commune, blessé, affamé. Tilt entre Constance et Octave. Au départ elle ne veut que le secourir, laissant ses horribles compagnons de diligence, pas du tout épargnés par Rouaud, un vrai bonheur! mais bien sûr ça va évoluer. Et moi qui suis restée agacée par Les Hauts de Hurlevent, là j'ai marché à fond dans cette histoire romantique. Hé oui, contée par Rouaud, toute histoire est magnifiée.

[Ne l'imite pas, le Jean, et dis-le carrément : cette lecture est un immense coup de coeur dont les 600 pages se dévorent au galop!]

Voilà, c'est dit. Mais fichtre, au début, où allait-il? (oui, au Puy, en train). Alors que venaient faire Schlieman? La schlitte? Buffalo Bill? Et surtout Isabella Bird et Mountain Jim (Une anglaise au far west est paru chez Payot). Et Hudson, déjà repéré grâce à Theroux, avec le vent de la pampa et Un flâneur en Patagonie (ouvrages sur lesquels je me suis jetée en librairie après le confinement)(Payot toujours). Avec préfaces de Michel le Bris, que Rouaud couvre de louanges. le Bris refusa de rééditer certains carnets d'Octave... Oui, Octave.

Alors là je dois l'avouer, je suis quelqu'un qui me laisse facilement rouler, surtout si c'est bien fait (et là, ça l'est). Ces fameux carnets, dont il possède un exemplaire et qu'il cite de temps en temps, pure invention? pas la Commune, quand même? Non, et là c'est raconté avec souffle, on y est! Trente mille morts? Eugène Varlin, oui, le héros de l'auteur, qui prend fait et cause pour la commune (sans nier quelques dérives de certains). Et La reine de Saba, de Maxime Dumesnil? Hé non, et il existe même des gens pour décortiquer (savamment?) tout ça, dans Un retour des normes romanesques.

Parce que oui, Rouaud en profite pour parler du roman, tacler Zola, dire son admiration pour Chateaubriand et Proust, encore en gestation en 1871. Expliquer à Constance, à laquelle il s'adresse constamment en la vouvoyant, ce qu'est le cinéma, digresser sur les premiers films, raconter certains grands films du 20ème siècle, imaginer le tournage de l'aventure de Constance, etc.

Alors moi je m'en fiche qu'il digresse (600 pages passionnantes pour une histoire romanesque, finalement) et invente, mais quel souffle, quel roman maîtrisé!
Lien : http://enlisantenvoyageant.b..
Commenter  J’apprécie          00







{* *}