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EAN : 9782070776238
592 pages
Gallimard (12/01/2006)
3.92/5   30 notes
Résumé :
En 1871, une Constance Monastier, jeune épouse d'un maître soyeux des Cévennes, n'a à priori rien à partager avec un Octave Keller, proscrit de la Commune de Paris, réchappé de la semaine sanglante et de ses 30 000 morts. Tout les oppose : leur milieu, leurs convictions, et cette interprétation de l'insurrection parisienne au sujet de laquelle la jeune femme, dans la diligence qui la ramène à Saint-Martin-de-l'Our, en aura entendu des vertes et des pas mûres. Tout l... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Après mon gros coup de coeur pour Les champs d'honneur, je me réjouissais à l'idée de retrouver la plume de Jean Rouaud. Qui plus est, plutôt que de poursuivre sagement dans la série de ses chroniques familiales, j'avais fait le choix de ce livre dont le sujet me semblait particulièrement alléchant : les lendemains de la Commune, la répression sauvage de l'insurrection par l'atroce Adolphe Thiers et son armée de Versaillais, l'affolement mesquin de la France des possédants,..., et au milieu de tout cela l'histoire d'amour impossible entre un proscrit en fuite et une bourgeoise malheureuse, dans les rudes et superbes paysages qui entourent le mont Lozère.
Soyons honnête, je m'attendais à quelque chose de beaucoup plus classique. Une aventure à la fois épique et romantique sur fond historique de guerre sociale, traitée d'une plume ample et délicate. Ceci dit, il est bien possible que j'aie des goûts aussi convenus que démodés. Quoiqu'il en soit, c'est précisément là que Rouaud attend son lecteur au tournant. Et le livre qu'il lui offre se révèle du coup assez déstabilisant, car il y est moins question d'un roman historique que d'une réflexion sur la littérature et sur le thème archi-rebattu de la fin du roman. C'est en fait le roman d'un roman en train de s'écrire (thème que j'avais déjà croisé dans Première ligne, de Laclavetine, mais ici avec du talent). L'auteur s'adresse directement à son héroïne tout au long de l'ouvrage, prend parfois son lecteur à témoin, s'accorde des digressions documentaires (parfois très éloignées de son sujet), cite ses sources et les commente, s'amuse à imaginer quelle sorte de film serait sorti de son histoire, raconte encore les doutes de l'éditeur à qui il expose son projet. Tout ceci, ce qui est très fort, sans jamais sortir vraiment de son récit.
Bien sûr, on en retire parfois le sentiment que Rouaud aime s'observer en train d'écrire son roman. Je me suis même demandé à quelques reprises si ce n'était pas là le sujet principal du livre. Les apartés ont beau être passionnants, emplis d'humour et d'autodérision, certains étaient peut-être dispensables, faisant parfois redouter de se perdre dans l'imbrication des multiples parenthèses. L'éclatement de la narration n'est pas des plus confortables pour le lecteur, c'est certain, mais je n'étais pas non plus obligé d'en faire une lecture de vacances ni de le lire le fauteuil planté dans la rivière avec les pieds clapotant bien au frais. Après tout, est-ce le but du roman de veiller au confort de son lecteur ? La réponse est évidemment négative.
Dans la dernière partie, l'auteur se fait plus discret et lâche la bride à ses personnages, comme impressionné lui-même par le souffle romanesque qu'il voulait tenir à distance, pour mieux en saisir l'essence peut-être. Arrivé là, il ne lui faut plus qu'une centaine de pages pour nouer la gorge de son lecteur, et proprement. On sort enrichi du livre, incontestablement, et sans plus savoir ce qui est authentique ou fictif dans cette histoire. Quelques questions demeurent pourtant, et surtout celle-ci : une cathédrale est-elle plus admirable, et témoigne-t-elle davantage de son sens, si on lui laisse ses échafaudages? Et incidemment, faudrait-il désormais conserver leurs échafaudages à toutes les cathédrales ?
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Cette fiction s'élève à un niveau auquel peu d'auteurs actuels peuvent prétendre. Virtuose et expérimenté, Rouaud a réussi un roman ambitieux, durant lequel on se se réjouit, malgré la lenteur de l'action et sa longueur − c'est un pavé de 600 pages − et qu'après la lecture on continue de savourer, avec le sentiment d'avoir découvert une perle et le souvenir de scènes inoubliables qui semblent avoir été vécues intimement.

Pour moi, Jean Rouaud, c'était jusqu'ici le Goncourt 1990[1] qui détaille les essuie-glaces bancals d'une 2 chevaux et la pluie, toujours cette pluie de Loire-Atlantique que personne n'a mieux rendue en littérature, et puis la famille, beaucoup d'autobiographies avec la famille et ses morts. Je l'avais peu lu jusqu'ici.

Il ne s'agit pas d'un roman traditionnel, mais plutôt d'un réquisitoire pour le genre romanesque par le biais d'une histoire d'amour abordée comme une tentative expérimentale. Car on ne raconte plus ce genre d'histoire comme autrefois, le romanesque d'antan s'est perdu, mais la nostalgie reste de ces grandes oeuvres populaires de l'imagination. L'héroïne du récit est "la plus belle ornithologue du monde", Constance Monastier, laquelle est vouvoyée par l'auteur tout le long du récit, particularité qui peut sembler venir du nouveau roman dont l'auteur se rit d'ailleurs discrètement. Derrière ce vous, il y a de la tendresse, de l'admiration, presque un sentiment amoureux tant Rouaud semble empli du personnage qu'il raconte avec une délicate empathie.

Dans la seconde moitié du 19ème siècle, Constance est l'épouse malheureuse d'un maître soyeux des Cévennes, ce Monastier qui lui a donné un fils et qui la visitait toute jeune encore dans sa chambre à la mort de son père, jardinier du domaine. Elle n'aime pas ce mari qui a fait d'elle une bourgeoise mais voue une passion pour les oiseaux. Une grande part du récit raconte le retour de Constance de Paris vers le sud, après une visite à son fils en pension, et durant lequel, lors de la partie du voyage en diligence, le hasard met sur son chemin Octave Keller, blessé, réchappé de la Semaine sanglante de la capitale et qui tente de fuir par les Cévennes pour gagner l'Espagne. Je viens avec vous, la phrase charnière, une clé qui fera de vous, Constance Monastier, une femme différente, déterminée, responsable et enfin amoureuse. Mais je n'en dis pas trop de ce miracle − quelque chose de sublime ici, dans la progression de l'idylle par petites touches − entre la ravissante rousse et le communeux en fuite, corps de la narration autour de laquelle, avec une volubilité maîtrisée, Rouaud fait graviter une foule de digressions distrayantes, instructives, singulières. de là un récit qui avance très lentement, coupant les phrases par de longues incises entre parenthèses (un peu à la manière de Eric Chevillard dans "L'auteur et moi", l'absurde en moins).

Non seulement on nous raconte une histoire mais on nous explique aussi comment on la fait, les difficultés de certains choix et surtout comment ou aurait pu la faire si on avait respecté les attentes très grand public d'un réalisateur de cinéma, introduit par enchantement dans la narration. Ce cinématographe qui ne va plus laisser grande part à l'imagination du spectateur. Rouaud intervient souvent en tant qu'auteur, de manière très divertissante et clairvoyante, établissant des parallèles avec l'époque actuelle, en expliquant à Constance ce qu'elle ne connaît pas encore de son temps, la prévenant même de ce que la vie lui réserve. La technique utilisée par Rouaud est d'une rare force, car il se permet tout, voyage dans le temps, interpelle les époques, les légendes et son héroïne, invoque l'histoire (l'insurrection de la Commune de Paris, avec en exergue l'Admirable Eugène Varlin, personnage historique exécuté par les Versaillais) et la modernité avec des découvertes comme la photographie, le cinéma, etc... Il dénigre autant ses personnages antipathiques[2] qu'il excelle dans la façon de rapporter le charme de son ornithologue: "...rien de saillant, rien de rond, dans ce profil, tout un art de la négociation, entre courbes, angles et droites. En le traçant dans l'air il me semble l'avoir recueilli au bout de mes doigts, comme un jardin fleuri tient tout entier dans l'essence d'un parfum."

Zola, surnommé railleusement l'inspecteur, est aussi convoqué à de nombreuses reprises, surtout pour dire ce qu'il aurait écrit à tort, ce maniaque du réalisme, de démolisseur d'imaginaire. Inutile de dire que le naturaliste est malmené par Jean Rouaud, adepte inconditionnel d'une littérature où l'invention reste reine.

Une telle diversité dans un même livre s'avère exigeante pour le lecteur, car on s'éloigne souvent du récit central pour voyager au fil des pensées vagabondes de l'auteur. Elles font toujours sens, mais il faut de la détermination pour accepter d'être ainsi ballotté. Heureusement, l'écriture ne faiblit jamais et maintient le tout très haut, à la fois légère et chevronnée: les changements de rythme passant de la nostalgie à la jovialité ou au sarcasme, le va-et-vient entre les époques et dans le monde, la succession d'incises habilement glissées, tout fonctionne de manière épatante. Querelle de chapelle dans laquelle Rouaud reconnaît d'ailleurs être injuste.

Quand un livre nous a beaucoup donné, on a envie de le rendre à travers le billet qu'on lui consacre: voilà l'idée lue il y a quelques temps dans un commentaire de la blogosphère. J'espère n'avoir pas restitué démesurément les contentements que m'a procurés cet ouvrage. Je ne saurais, en tous cas, que conseiller de s'essayer à sa lecture.

[1] Les Champs d'honneur aux éditions de Minuit.
[2] Sur ce plan, l'attitude des voyageurs lors du trajet en diligence est un vrai morceau d'anthologie.


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La Commune de Paris vient de se terminer dans le sang, massacrée par Thiers. Octave, un communeux rescapé (c'est ainsi qu'ils se disent, et non « Communards » comme nous le disons aujourd'hui) fuit vers le Sud. Constance, jeune épousée d'un riche soyeux cévenol, retourne au même moment vers son foyer. Ils se rencontreront au delà du Puy, alors qu'Octave affaibli par une blessure s'écroule en vue de la diligence qui transporte Constance. C'est la rencontre d'un homme et d'une femme d'exception – elle est belle, très belle, l'auteur nous le fait savoir par petites touches délicates -, une rencontre de trois jours qui changera leur vie.
Ce livre est d'abord un superbe portrait de femme. C'est aussi un regard sensible sur la Commune de Paris, cette révolte qui n'eut qu'un seul tort : être en avance sur son temps. (Mais s'il n'y avait pas des hommes « en avance sur leur temps », le monde ne serait-il pas figé ? Y aurait-il même une Histoire?).
Voilà un roman fleuve d'un autre genre, superbement écrit (avec Rouaud, on en a l'habitude), où l'auteur prend la parole, est un personnage du livre, et s'adresse à la belle Constance du haut des 150 ans qui la séparent d'elle. Il a le droit, le roman donne tous les droits.
Un bémol cependant : il abuse des digressions. Elles foisonnent, s'attardent sur l'art du roman et du cinéma. C'est loin d'être sans intérêt, mais cela alourdit le récit.
Et voilà comment ce qui aurait pu être un « chef d'oeuvre », devient un grand livre, que j'ai adoré.
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Il ne peut être question pour parler de ce livre de le décrire par le menu ou de résumer son histoire. Celle-ci serait d'ailleurs fort brève. L'héroïne, une certaine Constance Monastier a réellement existé et l'on peut trouver une pierre gravée à sa mémoire au sommet du mont Lozère. Jean Rouaud est d'ailleurs parti d'une biographie déjà existante pour écrire son livre.
Si les événements se situent au temps de la Commune, l'auteur par sa formidable adresse d'écrivain et de conteur nous replace dans un contexte historique à deux dimensions. L'histoire par elle-même en constituerait la trame horizontale. Celle-ci resterait très ténue, l'histoire de Constance Monastier qu'il nommera " la plus belle ornithologue du monde " est très brève, si elle ne devenait pas par la grâce de l'auteur une aventure sentimentale peu ordinaire. Elle rencontrera un jeune communard qu'elle aidera et dont on sent bien qu'elle partage les idées. Les mutations de ce siècle passent aussi par l'émancipation des femmes.
Mais cela ne suffirait pas si le récit n'était assorti d'invitations à replacer les événements, même les plus simples, dans leur propre histoire. C'est la lecture verticale du livre qui nous est alors proposée et qui donne à cette aventure une spatialisation étonnante.
Ceci n'est peut-être qu'une appréciation personnelle (mais l'auteur l'a peut être également voulu ainsi), certains passages du livre m'ont fait penser au " Hussard sur le toit " de Jean Giono.
C'est peu dire que j'ai trouvé ce livre passionnant. Il fait partie de ceux que j'emporterais sur une île déserte.
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Tiens tiens, un livre de Jean Rouaud indiqué comme roman, sortirions-nous, en même temps que des éditions de minuit, de sa veine autobiographique?

"J'avais jusqu'à maintenant régulièrement repoussé les prétendants à ce périple romanesque, leur expliquant qu'avoir accueilli une tante Marie dans mes ouvrages ne m'obligeait pas à m'intéresser à toutes les cousines Bette, qu'avoir respiré les gaz de combat au cours du premier conflit mondial ne faisait pas de moi le porte-parole des anciens combattants, et que l'évocation pluvieuse de ma terre d'enfance renvoyait moins à la Loire -Inférieure qu'aux petits hommes vêtus d'un manteau de paille courant sous l'averse dans une estampe japonaise."
Toujours prompt à blaguer sur lui et à se moquer gentiment des reproches qu'on lui fait.

Bref, nous sommes en 1871, aux alentours du Puy, en train puis en diligence, admirant Constance Monastier, la "plus belle ornithologue du monde". Épouse d'un soyeux des Cévennes, maman de Louis qu'elle vient de visiter à son école à Versailles; elle a tout d'une bourgeoise bien intégrée. Pourtant son enfance, quoique heureuse, fut courte, et son adolescence et sa vie de femme mariée franchement lourdes à vivre.
Survient un inconnu. Octave, ayant fui Paris où il a participé à la Commune, blessé, affamé. Tilt entre Constance et Octave. Au départ elle ne veut que le secourir, laissant ses horribles compagnons de diligence, pas du tout épargnés par Rouaud, un vrai bonheur! mais bien sûr ça va évoluer. Et moi qui suis restée agacée par Les Hauts de Hurlevent, là j'ai marché à fond dans cette histoire romantique. Hé oui, contée par Rouaud, toute histoire est magnifiée.

[Ne l'imite pas, le Jean, et dis-le carrément : cette lecture est un immense coup de coeur dont les 600 pages se dévorent au galop!]

Voilà, c'est dit. Mais fichtre, au début, où allait-il? (oui, au Puy, en train). Alors que venaient faire Schlieman? La schlitte? Buffalo Bill? Et surtout Isabella Bird et Mountain Jim (Une anglaise au far west est paru chez Payot). Et Hudson, déjà repéré grâce à Theroux, avec le vent de la pampa et Un flâneur en Patagonie (ouvrages sur lesquels je me suis jetée en librairie après le confinement)(Payot toujours). Avec préfaces de Michel le Bris, que Rouaud couvre de louanges. le Bris refusa de rééditer certains carnets d'Octave... Oui, Octave.

Alors là je dois l'avouer, je suis quelqu'un qui me laisse facilement rouler, surtout si c'est bien fait (et là, ça l'est). Ces fameux carnets, dont il possède un exemplaire et qu'il cite de temps en temps, pure invention? pas la Commune, quand même? Non, et là c'est raconté avec souffle, on y est! Trente mille morts? Eugène Varlin, oui, le héros de l'auteur, qui prend fait et cause pour la commune (sans nier quelques dérives de certains). Et La reine de Saba, de Maxime Dumesnil? Hé non, et il existe même des gens pour décortiquer (savamment?) tout ça, dans Un retour des normes romanesques.

Parce que oui, Rouaud en profite pour parler du roman, tacler Zola, dire son admiration pour Chateaubriand et Proust, encore en gestation en 1871. Expliquer à Constance, à laquelle il s'adresse constamment en la vouvoyant, ce qu'est le cinéma, digresser sur les premiers films, raconter certains grands films du 20ème siècle, imaginer le tournage de l'aventure de Constance, etc.

Alors moi je m'en fiche qu'il digresse (600 pages passionnantes pour une histoire romanesque, finalement) et invente, mais quel souffle, quel roman maîtrisé!
Lien : http://enlisantenvoyageant.b..
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Il vous a aidée à vous relever, a épousseté votre robe des feuilles de fougères et tandis que vous vous laissiez faire, vos larmes ont à nouveau coulé, mais cette fois il ne s'y est pas trompé. Il vous a attirée doucement à lui et quelques secondes vous avez posé votre tête sur son épaule. Vous avez senti ses bras autour de vous avant de vous écarter, en pensant à bien vous souvenir de tout ce qui avait composé cette étreinte, comme le picotement de sa barbe de plusieurs jours sur votre front, pour qu'elle vous accompagne tout au long de ces années à venir jusqu'à votre dernier souffle. Aux disparus très chers on coupe parfois une mèche de cheveux qu'on enferme dans un médaillon. Dans le médaillon de votre corps, vous vous préparez à conserver le pieux souvenir
de cet enlacement. Il vous semble que de ce peu vous ferez une stèle miraculeuse au pied de laquelle vous déposerez la somme de vos jours en reconnaissance infinie. On pourra y lire cette inscription : Au plus beau moment de ma vie.
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Il [Jean-Baptiste Clément] était déjà une figure célèbre parmi les chansonniers, et si "Le Temps des cerises" avait pu devenir un chant révolutionnaire en dépit de sa destination première, c'est que l'ardeur militante de Clément ne pouvait être prise en défaut, qui s'était exprimée dans d'autres recueils, par exemple, « Les Chansons du morceau de pain » ou « Les Chansons de l'avenir », dans lesquels il prenait déjà parti pour un quatre-vingt-neuf des ouvriers. Pourtant ce fut à celle-là, écrite pour les amoureux, qu'on confia le trésor de l'espérance, comme un message codé pour les générations futures : n'oubliez pas l'amour, ou votre révolution ne sera qu'un énième avatar de la tyrannie.
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Les passagers sont tous redescendus et observent son manège. Vous reprenez votre place à l'écart, comme si cette démonstration publique n'était pas de votre goût, tandis que les uns et les autres s'informent entre deux clichés sur la technique employée, le temps de pause, la qualité des vues. La demi-mondaine tourne et retourne autour de l'appareil : elle est chanteuse de cabaret, entreprend une tournée dans les villes du Sud avec son pianiste — le petit homme chétif qui en arrière souffle bruyamment du nez dans un grand mouchoir blanc, ce qui lui vaut de sa soliste un sévère : Roméo, soyez plus discret, je vous prie — et a déjà eu l'honneur d'être photographiée par M. Tournachon. Le connaissez-vous ?
L'opérateur ne répond pas, qui d'un regard aiguisé, supérieur, panoramique, organise en pensée sa prochaine prise de vue. Au moment de replonger sous sa cape noire il vous demande de vous retourner, oui, vous madame sous l'ombrelle. Ne bougeons plus, dit-il, car à ce moment les plaques sont sensibilisées au collodion et elles ont besoin d'un peu de temps. Surtout ne bougez plus. Maxime Dumesnil, artiste photographe écrivain, tient dans son viseur une vierge canon, la place de la gare du Puy et la plus belle Ornithologue du monde.
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Au vrai, ces remontées dans le temps visent surtout des souvenirs enfouis, des segments épars d'informations stockées dans les méandres de notre cerveau, qui, sans cette occurrence fortuite d'une odeur, d'un son, d'une saveur, n'auraient jamais l'occasion de se présenter à la conscience, et s'ils nous surprennent c'est bien par leur caractère insolite, inattendu, fugitif, sortes d'effluves d'enfance, impressions fugitives, évanescentes, sur lesquelles on peine à greffer un fait précis, c'est le je-ne-sais-quoi d'un presque rien, évanoui aussitôt qu'inhalé.
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Cette femme était une splendeur. Il me vint à l'esprit qu'elle eût été une formidable recrue pour notre pauvre Paris martyrisé. Je l'imaginais derrière les barricades secourant les blessés, ayant pour chacun un mot de réconfort, encourageant les défaillants, organisant la manœuvre, et ne manifestant sa fatigue qu'en relevant du dos de sa main une mèche sur son front
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Au programme de la rentrée d'automne 2023 : 0:00 Introduction 1:01 *_perspective(s)_ de Laurent Binet* 1:15 *_À ma soeur et unique_ de Guy Boley* 1:29 *_l'enragé_ de Sorj Chalandon* 1:55 *_Rose nuit_ d'Oscar Coop-Phane* 2:30 *_strange_ de Geneviève Damas* 2:50 *_Le Jour des caméléons_ d'Ananda Devi* 3:06 *_Adieu Tanger_ de Salma El Moumni* 3:17 *_Le Grand Feu_ de Léonor de Récondo* 3:47 *_Comédie d'automne_ de Jean Rouaud* 3:58 *_Croix de cendre_ d'Antoine Sénanque* 4:11 *_Impossibles adieux_ de Han Kang* 4:39 Conclusion
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