« Ne te fatigue pas trop », ce à quoi je répliquais que, si je me fatiguais, c’était volontairement, pour oublier ma peine et pouvoir dormir sans problèmes jusqu’au matin.
Petit à petit, je pris conscience que si je ne changeais pas de comportement, je ne tarderais pas à être rejetée par la communauté. Mais devais-je jouer un personnage, faire semblant d’être d’accord avec tout ce que je ne pouvais admettre ?
Je me sentis subitement seule, déprimée et malheureuse.
J’étais de plus en plus malheureuse, je savais que je ne pouvais rester, mais j’avais de plus en plus peur de retrouver la vie extérieure, le bruit, les gens aussi. Il faudrait retrouver du travail, expliquer mon échec à tous ceux qui n’avaient pas compris mon choix, trouver un autre mode de relation à Dieu.
Comme, par pauvreté, il ne fallait rien gaspiller, les chutes – ou déchets – étaient servies une ou deux fois par mois au petit déjeuner.
Manger des denrées saines serait de la gourmandise, et, de toute façon, n’y avait-il pas toujours suffisamment de pain ? Enfin, elle me rappela que nous étions pauvres et qu’il en découlait que tout devait être économisé au maximum.
Survint ensuite un événement que jamais je n’oublierai. En effet, de retour dans la salle communautaire, sœur Saint-François, le plus naturellement du monde, demanda à quelle heure il fallait agiter la crécelle, pour la « flagellation ». La réponse de notre mère fut tout aussi naturelle : « À cinq heures trente… »