Pour ceux qui savent écouter, une maison n'est jamais silencieuse dans le noir ; on murmure dans les pièces lointaines, une main mystérieuse tourne la poignée d'une fenêtre, la clenche se soulève. les fantômes ont été créés quand le premier homme s'est réveillé pendant la nuit.
J.M Barrie, "The little minister".
Si la nécessité est vraiment la mère de l'invention, alors le désespoir est peut-être le père de la mémoire.
De tous les fantômes, ceux des amours perdus sont les pires ".
( Arthur Conan Doyle "les mémoires de Sherlock).
Le corps paraissait enveloppé dans un voile blanc. Armellini crut d'abord avoir affaire à une sorte de gaze, avant de comprendre qu'il avait sous les yeux des milliers de papillons de nuit noyés, pattes et ailes entrelacées ; accrochés les uns aux autres et au cadavre de la fille, ils formaient un genre de linceul et tressaient des guirlandes mortuaires dans ses cheveux.
Pourtant, ce que Brenda voyait était impossible, elle le savait. Ce n'était pas réel. Personne ne marchait sur l'eau. A part Jésus, peut être, mais c'était il y a longtemps. Et Jésus n'avait certainement pas choisi de faire son grand retour dans ce lieu perdu, bien en vue de Blackmore Island et de la maison cachée derrière la petite forêt de pins blancs balayée par le vent. Pas cette nuit, pas ici.
L'air était devenu immobile et lourd. Le vent frais et humide semblait avoir renoncé à faire danser les cimes des arbres et à éparpiller les feuilles mortes des érables. Comme si, en ce lieu, un cône de silence était descendu sur la nature elle-même.
Alors, j'avais compris que je venais d'avoir un authentique aperçu de l'enfer. Les démons insidieux qui y régnaient n'avaient rien de biblique. Leur sadisme était bien trop subtil pour une mythologie religieuse simplette. Ils avaient damné mon père en siphonnant ses souvenirs, mais en lui laissant juste assez de conscience pour qu'il le sache, et ils m'avaient damné par la même occasion en me forçant à être le témoin de cette déchéance.
Et c'est ainsi que naissaient les légendes, dans les petites villes du Nord, en bordure d'endroits devant lesquels les autres gens ne font que passer, en route pour ailleurs : par un cri dans le noir et un demi-siècle de silence.
Je veux vous faire connaître la peur. J'ai une histoire de fantôme à vous raconter, qui ne ressemble à aucune de celles que vous avez pu entendre. C'est la mienne, et elle est vraie.
Avant que la dernière des flammes ne soit étouffée, j'aperçus quelque chose que j'attribuai au vent qui faisait se balancer les arbres sous la pluie.
À une quinzaine de mètres de l'extrémité de la maison, sous un bosquet de pins blancs, une silhouette se tenait à proximité de l'arbre carbonisé, comme si elle cherchait à se réchauffer auprès du feu. Elle me parut féminine, bien que, à part sa petite taille, j'aurais eu du mal à expliquer exactement ce qui me permettait de lui attribuer un sexe. En effet, je ne distinguais rien de ses formes, de son visage, et encore moins de ses vêtements.
Je plissai les yeux dans l'obscurité pour mieux voir, mais quand un nouvel éclair zébra le ciel quelques secondes plus tard, la silhouette avait disparu et le feu éteint fumait sous la pluie qui ne donnait aucun signe d'épuisement, bien au contraire.