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Critique de Eric76


Jean-Christophe Rufin a répondu à l'appel mystérieux et envoutant du Grand Chemin : le voilà parti rejoindre à pied Saint-Jacques de Compostelle par l'une de ses nombreuses variantes : huit cents kilomètres « le long des côtes basque et cantabrique, à travers les montagnes sauvages des Asturies et de Galice ». Et si quelqu'un lui demande pourquoi une telle folie, il répond, sibyllin, nébuleux : « On est parti, voilà tout ».

Un livre qui démystifie le grand Pèlerinage : vous ne suivrez pas des Chemins chargés de merveilleux, de légende, de magie et d'histoire, mais des chemins qui ressemblent à tous les autres chemins. Ils sont caillouteux, herbeux, goudronnés, boueux. Ils grimpent des montagnes, traversent des forêts, s'attardent au milieu des champs, longent des autoroutes, s'arrêtent au milieu d'une ville, s'enfoncent dans de cauchemardesques zones industrielles ou pavillonnaires. Vous rencontrez parfois le merveilleux au moment où vous vous y attendez le moins : en caressant du bout des doigts de vieilles pierres qui vous chuchotent mille histoires, en vous réfugiant sous un arbre vénérable, en partageant votre souffrance avec d'autres jacquets, en admirant un paysage beau à vous couper le souffle, en cueillant un fruit juteux, en vous perdant dans le regard bienveillant et ironique d'une vieille dame…

Un livre joyeux, cocasse, cabotin (dans le très bon sens du terme), qui décrit la lente métamorphose du marcheur en quelque chose qui ressemble à un clochard céleste. Et si c'était cela le miracle de Compostelle ? Vos millions de pas qui viennent s'ajouter à ceux des autres depuis mille ans ; votre modestie, votre petitesse face à la démesure qui vous entoure ; votre monde que transportez sur votre dos, et que vous allégez d'étape en étape parce qu'il est encore trop lourd ; cette forme de sagesse que vous parvenez bien malgré vous à acquérir au fil des kilomètres ; cette somme de sueur et de souffrance que vous trainez derrière vous ; ces rencontres improbables et inoubliables que vous faîtes au détour d'un chemin ou dans les dortoirs surpeuplés réservés aux jacquets…

Que reste-t-il de tout cela une fois votre vie d'avant retrouvée ? Quelques souvenirs fugaces, bons ou mauvais… Un sentiment, non d'orgueil, mais de fierté… Et cet appel lancinant qui vous demande de reprendre la route…
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