NOTE DE L'AUTEUR
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Ami lecteur,
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Le Prince de la Brume est le premier roman que j'ai publié, et il a marqué, en 1992, le début de ma carrière d'écrivain. Les lecteurs familiers de mes dernières oeuvres, comme L'Ombre du vent et Le Jeu de l'ange, ne savent peut-être pas que mes quatre premiers romans ont été publiés sous forme de "livres pour la jeunesse". Bien qu'ils aient surtout visé un jeune public, mon souhait était qu'ils puissent plaire à des lecteurs de tous âges. Avec ces livres, j'ai tenté d'écrire le genre de romans que j'aurais aimé lire quand j'étais adolescent, mais qui continueraient encore à m'intéresser à l'âge de vingt-trois, quarante ou même quatre-vingt-trois ans.
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Pendant des années, les droits de ces livres sont restés "piégés" dans des querelles juridiques, mais aujourd'hui enfin des lecteurs du monde entier peuvent en profiter. Depuis leur première publication, j'ai eu la chance de voir ces œuvres de mes débuts bien accueillies par un public de jeunes lecteurs et aussi de moins jeunes. J'aime croire que ces contes sont faits pour tous les âges, et j'espère que des lecteurs de mes romans pour adultes auront envie d'explorer ces histoires de magie, de mystères et d'aventures. Et, pour terminer, je souhaite à tous mes nouveaux lecteurs de prendre autant de plaisir à ces romans que lorsqu'ils ont commencé à s'aventurer dans le monde des livres.
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Bon voyage.
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Carlos Ruiz Zafón,
décembre 2009
Les mauvais souvenirs vous poursuivent sans que l'on ait besoin de les emporter avec soi.
Roland les attendait au bord de la plage, vêtu d'un vieux pantalon dont il avait raccourci les jambes et qui faisait en même temps office de costume de bain. Près de lui, il y a avait un petit canot en bois qui ne devait pas mesurer plus de trois mètres de longueur. Il semblait avoir passé trente ans échoué sur une plage en plein soleil; les lattes avaient acquis un ton grisâtre impuissant à dissimuler quelques écailles de peinture bleue, vestiges d'une époque plus prospère. Néanmoins, Roland admirait son canot comme s'il s'agissait d'un yacht de luxe.
Quand la pluie tombait ainsi, Max sentait que le temps s'arrêtait. C'était comme une trêve durant laquelle on pouvait laisser de côté son occupation du moment et, simplement, contempler de sa fenêtre durant des heures le spectacle de cette chute sans fin de larmes célestes.
Il sourit une dernière fois et, s'enveloppant dans sa cape, il disparut dans l'obscurité tandis que ses pas invisibles s'éloignaient de la passerelle en laissant des traces de métal fondu sur le plancher.
Le chemin dans la brume se révéla plus long qu'il ne l'avait pensé.
Cela dit, il était particulièrement heureux de partager avec Alicia et son frère ce monde magique qui, pendant des années, n'avait appartenu qu'à lui seul, il se sentait comme le guide d'un musée ensorcelé, accompagnant des visiteurs pour une promenade hallucinante dans une cathédrale engloutie.
La tempête s'abattit sur le village comme le train fantôme d'une foire ambulante. En quelques minutes, le ciel se transforma en une voûte couleur de plomb et la mer emprunta une teinte métallique et opaque, tel un immense radeau de mercure.
Pendant qu'il montait l'escalier pour gagner sa chambre, il se fit, un court instant, la réflexion que cela faisait deux jours qu'il n'avait pas vu le répugnant félin d'Irina. La perte ne lui parut pas grande, et il oublia ce détail aussi vite que l'idée lui était venue.
Soudain,et silencieusement,il se rendit compte que sa fille avait grandit et qu'un jour probablement proche, elle entreprendrait un nouveau cheminement, en quête de ses propres réponses.