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Critique de ElGatoMalo


Mutafukaz, ça sonne un peu comme "dragée fucaZ" mais ça n'a rien à voir. Quoi que... Mais alors de très loin, vu que c'est l'équivalent de "Mother Fucker" en argot hispanique pratiqué par les gangs de la cote ouest des USA (je n'invente rien, c'est écrit dans le bouquin).

On peut lire un peu partout que cette bande dessinée est un ovni. Oui, on peut le dire mais ça ne donne aucune idée sur sa nature. En fait, c'est une oeuvre très originale à tendance immersive ; chaque chapitre est introduit par un "fake", en fait un hommage aux influences dans lesquelles elle baigne : une fausse affiche de cinéma, une fausse affiche de catch, une fausse page du journal local de la ville pourrie - Dark Meat City - dans laquelle les héros - Angelino, tête noire (on entend presque derrière quelqu'un crier "Hey, NIGER !" et lui répondre "NIGER, what ?" avec un regard assassin mérité) et Vinz , tête de mort - se débattent pour survivre. Ils finissent par se battre tout court (c'est même tout l'intérêt de l'histoire) . Il y a quelques années, on aurait qualifié ces deux personnages de zonards et ce sont vraiment deux paumés qui vivent dans un hôtel miteux. le genre d'hôtel qu'on ne trouve qu'aux états-unis (dans le genre de celui qu'on voit dans The Getaway de Sam Peckimpa ou dans Léon de Luc Besson). Des centaines d'appartements avec frigo et télé. Mais la télé est pourrie et en noir et blanc. le frigo souvent vide... et quand il reste quelque chose à grignoter, des hordes de cafards - des petites bêtes apprivoisées façon Joe's Appartment (encore une référence cinéma), les petits chéris d'Angélino, le héros - se ruent en masse dessus pour le dévorer.

On peut lire aussi que ça fait "bande dessinée brouillon". Il y a de ça ... aussi. Un coté underground américain à la manière de la zone décrite par Robert Crumb dans Fritz the Cat ou Gilbert Shelton dans The Fabulous Furry Freak Brothers. le style varie d'un chapitre à l'autre. Chose qui ne se fait pas trop. A moins de vouloir imiter Tarentino, un peu dans le genre du collage de Kill Bill. le règlement de compte entre les hommes en noir et le gang des Bloods de Palm Hill est dans la lignée de l'ultra violence cinématographique du triangle Fuller, Peckimpa, Tarentino. le style à géométrie variable s'adapte au fil de l'histoire avec des effets comme, par exemple, le parallèle - ou plutôt la symétrie, parce que ce n'est pas une narration en "parallèle" mais une forte ressemblance entre deux moments de l'histoire - entre le combat de lucha ultima (catch mexicain) qui passe à la télé et l'invasion de l'appartement par la section spéciale dignes de Will Eisner pour le concept narratif et de Terry Gilliam (le kidnapping de Buttle dans Brazil... ou encore l'intervention de la police dans Léon) pour le thème.

Finalement, il y a une telle densité, une telle richesse dans cette histoire que l'on finit par y trouver un peu ce que l'on veut. On arrive à la dernière vignette en restant sur sa faim. J'ai ressenti une forte contrariété de ne pas avoir encore une vingtaine de pages de l'histoire plutôt que le cahier graphique - très intéressant malgré tout et aussi riche que la bande dessinée elle-même. Mais j'ai pardonné à Run, l'auteur, en lisant, tout à la fin, l'ex voto de Popeye, la brute titanesque des Bloods de Palm Hill, éliminé pendant l'affrontement avec les hommes en noir : "alor ke je me promené trankil dans la rue un fou mé tombé dessus et ma collé une balle dans ma tête... Je te remercie, Vierge de Guadaluppe, d'avoir akompli ce miracle qui fait que je ne suis pas mort a coze dz sa. Merci"

Post scriptum :
L'argument principal tourne autour des capacités augmentées qu'un accident offre au héros. En particulier celle de voir l'ombre réelle des gens qu'il croise et c'est dans la logique des choses de faire attention à l'ombre puisque dans Dark Meat City, il vaut mieux cheminer les yeux baisser que de croiser le regard des tarés qui composent les bandes de quartiers. Et certaines ombres ont des formes plutôt bizarres. Pour ma part, je trouve bizarre qu'il ne soit pas plutôt surpris de la forme de sa propre tête en boule de billard numéro 8 ou de celle de son pote Vinz qui est un crâne en feu ou même qu'il passe une partie de son temps libre à éviter Willy, un autre pote, le genre collant qui trempe dans toutes les combines plus que douteuses et qui, naturellement, n'est rien, d'autre qu'une chauve-souris qui parle..
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