J'ai le souvenir d'avoir entendu parler de
Fritz the Cat au journal télévisé ou dans une émission de l'ORTF, et je m'étais dit, chouette, un nouveau dessin animé, et mes parents m'avaient alors répondu que ce n'était pas pour les enfants. J'ai été sage et j'ai attendu presque 50 ans pour le découvrir. C'est vrai que ce n'est pas pour les enfants…
Cette série a été publiée entre 1965 et 1972 aux États-Unis, c'est la bande dessinée qui définit le style qu'on appelle bande dessinée underground américaine. le trait est brut, en noir et blanc, au trait, sans nuances, les personnages animaliers sont représentés avec des traits exagérés, volontairement laids. Je m'attendais à quelque chose de déjanté, graveleux, on est dans les années hippies, mais le personnage de Fritz n'est pas simplement un jeune rêvant de liberté, c'est avant tout un égoïste cynique.
Robert Crumb dénonce plus la jeunesse sans valeurs, l'égocentrisme et l'insouciance, qu'il ne dénonce les dérives de la société de consommation ou la politique capitaliste. Fritz n'a pas de conscience politique ou éthique, au contraire, il est totalement politiquement incorrect, il profite de la mode du moment pour son propre intérêt, qui se limite principalement à s'envoyer en l'air, sexuellement ou avec les drogues. Cette bande dessinée est avant tout une critique de l'individualisme, les idéaux communautaires ne sont alors qu'un prétexte pour dépasser les limites, pour satisfaire des instincts primaires. L'outrance est son médium, c'est fort et n'a pas pris une ride, mais à ma grande surprise, ce n'est pas ce que je m'attendais à trouver, bien plus cynique, et pas vraiment conciliant avec la Beat Generation.