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Critique de ChatDuCheshire


Voici un livre qui m'a bien trotté dans la tête... A tel point que ma critique comporte des épisodes...

(Février 2015) Lorsque Salman Rushdie se vit infliger une fatwa, à l'occasion de la publication des "Versets Sataniques", il fut contraint de devenir une sorte de passager clandestin de sa propre vie, sous le nom de Joseph Anton. L'auteur nous narre ces années jusqu'à ce qu'il choisisse d'abandonner sa protection policière, alors que la menace pesant sur lui n'est toujours pas définitivement écartée. L'atmosphère est pesante et le livre paraît long, mais sans doute ces traits traduisent-ils cette sorte de chape de plomb qui s'est abattue sur Rushdie le jour où des Mollahs décidèrent de lancer cette chasse à l'homme contre lui. Une observation retient l'attention: l'hostilité qu'avait suscité Rushdie dans la presse à l'époque. Son bouquin fut vilipendé et l'auteur parfois calomnié par une presse réputée libre et indépendante. Les tabloïds lui reprochèrent le coût de sa protection. Le monde réagirait-il de la même manière aujourd'hui ? Ce que j'ai apprécié dans cette autobiographie est que l'auteur est sans complaisance vis-à-vis de lui-même. Il n'apparaît pas particulièrement sympathique mais Salman Rushdie réussit à mettre en évidence que tel n'est pas le propos ni le problème, la question étant celle de l'avenir de la liberté d'opinion et de pensée...

(Août 2015) Retour sur ce livre pour une double réflexion qui me fait froid dans le dos. L'auteur révèle que les services de sécurité britanniques l'obligèrent, à un moment donné, à changer de domicile, la maison précédente étant estimée trop peu sûre. Il fut ainsi contraint d'acheter une maison bien plus chère sur laquelle il dut faire réaliser des travaux de sécurisation particulièrement onéreux. Et le tout à ses frais. Heureusement pour Rushdie qu'il est un écrivain à succès, qui vendit des centaines de milliers de livres sinon plus et que tout cela s'est passé à une époque où les gens achetaient des livres bien davantage qu'aujourd'hui...
Première réflexion: pour un Rushdie heureusement sauvé, combien d'écrivains plus confidentiels assassinés notamment parce qu'ils n'ont pas eu les moyens de se protéger ?
Seconde réflexion: la paupérisation croissante des artistes - pas seulement écrivains, je songe notamment aux musiciens dont la musique est aujourd'hui pillée mais il y en a plein d'autres - pose en elle-même un grave problème, qui dépasse largement les individus concernés. Outre l'appauvrissement de notre culture, due au fait que nombre d'entre eux "laissent tomber" ou ne tentent même plus la "carrière" artistique, la paupérisation croissante des artistes marque également l'épuisement des formes d'expression "non conformes", originales ou avant-gardistes. En fait l'on constate que les seuls artistes vivant encore correctement aujourd'hui, à quelques exceptions près, sont soit des vendeurs de soupe (ils ont toujours existé) soit plutôt des artisans que des artistes, c'est-à-dire des faiseurs, des "répéteurs de déjà-vu". J'ai la chance de connaître un certain nombre d'artistes - des vrais - dont la carrière est déjà longue. Tous concordent pour dire qu'il leur serait difficile voire dangereux de "refaire" aujourd'hui des œuvres créées il y a 20 ou 30 ans. Et, quelque part, que les artistes se trouvent ainsi de facto muselés, n'arrange pas que les intégristes de tous poils mais aussi ceux qui détiennent aujourd'hui le pouvoir économique (avec la complicité des Etats) et qui se montrent de moins en moins regardants sur les moyens de le préserver et de le renforcer...
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