Citations sur Mari et femme (17)
Tu as beau lui dire que votre dernière année ressemblait sans plus au calme plat qu'à la tempête, elle persiste à t'expliquer que le mariage est un bateau dont il est idiot de sauter une fois qu'on est en mer, et qu'il est encore plus idiot de couler alors qu'on est à bord.
Tu voyages dans les livres,dans le délice presque enfantin de la lecture,tu as peur,tu ris,tu pleures,tu cesses peu à peu de comparer tes livres à ceux que tu lis,puis tu cesses même de comparer les livres entre eux et tu commences à les prendre chacun pour ce qu'ils sont,avec leurs forces et leurs faiblesses,avec plus ou moins d'affection,de tendresse.
Les livres te conduisent naturellement aux êtres et peu à peu tu cesses aussi de les comparer.Ou de te comparer à eux.
Ta femme éteint carrément la télé,te dit que l'autre enfoiré comme tu dis a des centaines de milliers de lecteurs qui sont d'accord avec elle, et te demande si tu comptes aussi lui apprendre à lire.
Tu réponds que ça vaudrait mieux que de lui apprendre à écrire.
Elle dit qu'avec un professeur comme toi il n'y a pas de doutes.
Qu'à l'heure qu'il est tu dois être un des spécialistes mondiaux de comment ne pas écrire un livre.
Tu ne sais plus très bien qui tu es, mais tu t'en fous.
De plus en plus tu t'en fous.
Tu laisses simplement la vie passer en toi, tu te contentes de respirer, de t'asseoir, de regarder, écouter, sentir, gouter, toucher, tu te contentes d'aimer toi, ta femme, votre chat, le voisin du dessous ou la boulangère du coin, sans rien attendre de personne, sans rien attendre de rien, simplement en étant là.
Ta femme t'observe écoeurée remplir son corps de chips et de bière, tu plains le tien qu'elle rationne de tofu et de thé vert.
Elle se tait pour ne pas entendre ta voix, tu te tais pour lui épargner la sienne.
La seule chose qui vous soulage c'est de ne plus vous voir l'un l'autre.
Ta femme ne perd pas le nord et jette un de tes yeux à l'horloge de votre cuisine.
Elle a raté la gym. Elle racle un peu ta gorge, prend ta respiration et te demande soudain d'aller à son travail.
Tu recraches ton café en entendant ta voix puis tu t'essuies la bouche et lui réponds avec sa voix à elle qu'elle est cinglée.
Ta femme t'explique qu'elle peut difficilement aller à son bureau dans ton corps, et qu'elle peut encore moins manquer son rendez-vous de onze heures avec un auteur de best-sellers.
Tu lui réponds que c'est hors de question.
Elle perd patience et te rappelle que vous avez besoin de son travail.
Tu la regardes dans tes yeux et lui demandes qui va faire le tien.
Ta femme te regarde étonnée.
Te dis en évitant son regard qu'elle croyait que tu arrêtais.
Tu la remercie pour son soutien.
Ta femme éteint carrément la télé, te dit que l'autre enfoiré comme tu dis a des centaines de milliers de lecteurs qui sont d'accord avec elle, et te demande si tu comptes aussi lui apprendre à lire
Tu réponds que ça vaudrait mieux que de lui apprendre à écrire.
Elle dit qu'avec un professeur comme toi il n'y a pas de doutes.
Qu'à l'heure qu'il est tu doit être un des spécialistes mondiaux de comment ne pas écrire un livre.
Tu lui dis que tu l'emmerdes.
Elle te répond qu'elle aussi, gros con.
Tu lui dis d'aller se faire foutre.
Elle répond pas de problème tant que c'est pas avec toi.
Tu lui dis que tu la comprends, avec son gros cul.
L’air s’alourdit.
Vous vous dévisagez à présent, ta femme et toi, toi et ta femme, assis l’un à la place de l’autre à la table de votre cuisine.
Vous vous accrochez à la table.
Vous essayez de supporter ce qui vous arrive.
De vous supporter.
Vous n’osez pas encore vous parler.
Si vous aviez le cœur à rire, vous ririez sûrement.
Mais votre cœur est las et vous ne riez pas.
Tu es elle et elle est toi.
Pour une séparation, c’est raté.
La vie est une soirée déguisée.
Tu descends ta main sous le drap.
Tu cherches quelque chose entre tes jambes.
Tu ne trouves rien.
Tu te redresses d'un coup.
Tu ne tournes vers l'armoire à glace.
Tu cries.
Ta femme crie à ta place.