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Critique de Gwen21


J'ai enfin pris le temps de découvrir ce classique. Pas bien épais mais dense par le sujet qu'il aborde sous des airs de ne pas y toucher, presque des airs de Sainte-Nitouche. C'est d'ailleurs un peu l'image que renvoie Cécile, la jeune héroïne de 17 ans - peut-être un écho fictionnel de l'auteure précoce, Françoise Sagan, dont ce fut le premier roman et le plus grand succès, n'ayant elle-même que 18 ans à sa parution ?

Toujours est-il qu'au coeur d'un été caniculaire sur la Côte-d'Azur, à mi-temps des années 50, Cécile aime sa vie facile de fille bourgeoise nantie élevée au couvent, orpheline de mère et élevée par son père en passe de virer vieux beau dans un cadre parisien mondain et décadent. La relation père-fille de ce foyer tronqué de la femme se base sur la complicité dans le plaisir, dans la vie de rentier, dans l'immédiateté de l'instant, dans l'égoïsme d'une vie entièrement tournée vers soi et les jouissances terrestres. Et ma foi, à leur place, agirions-nous différemment ? Pas sûr tant une villégiature dans une villa sur la plage avec domesticité offre de séduction, non ? Mais Cécile file un mauvais coton. Croissant comme une plante sauvage, efflanqué tel un chat affamé, échouant à son baccalauréat, fleurtant avec le premier venu, paressant et ne pensant qu'à elle... Son père collectionne de son côté les conquêtes féminines flatteuses, complaisantes et ruineuses sans penser à donner à sa fille quelque exemple moral qu'il soit. Entre plage et casino, la vie est donc pour chacun d'eux un long fleuve tranquille jusqu'au jour où Anne, amie de la défunte mère et épouse, débarque à l'improviste et entreprend de redresser la barre par son charme, son intelligence et son élégance. Rebelle à son plan d'action, Cécile se fait alors manipulatrice pour préserver farouchement son indolence et sa vie libre - qu'elle revêt du noble nom d'indépendance -, jusqu'à nouer un drame familial qui la dépassera rapidement.

"Bonjour tristesse" a provoqué à sa parution en 1954 un énorme scandale que j'attribuerai pour ma part en partie à une promotion éditoriale bien maîtrisée. Certes, les thèmes que la très jeune autrice aborde semblent sulfureux à l'époque : une jeune bourgeoise s'exprime librement - et avec un talent stylistique d'une maturité assez remarquable de la part de l'autrice - sur sa vocation de "dandy femelle". Cécile se plaît à décrire elle-même la relation avec son père d'incestueuse (même si rien dans le roman ne peut prouver que ce soit le cas). Colette, Simone de Beauvoir, Anaïs Nin et une poignée d'autres ont préparé le terrain pour que dix ans après la fin de la guerre, le ton émancipatoire de la jeune Sagan choque les bonnes gens et s'érige en voie/voix d'une nouvelle génération.

La structure du récit semble annoncer la dramaturge que Sagan deviendra ; la théâtralité du drame, le huis-clos familial, la manipulation, l'intensité des émotions, le dénouement dramatique, tout rend hommage à la tragédie grecque que la jeune étudiante qu'était alors Françoise (et Cécile) a forcément découverte de fraîche date.

Le roman en lui-même fonctionne bien même si, pour ma part, le fait de ne pouvoir véritablement m'attacher à Cécile n'a pas engendré un réel engouement. Je me suis plutôt laissée bercer par la magie de l'expression très bien maîtrisée. J'ai apprécié l'atmosphère d'été torride, ce décor pictural bien propre à éveiller les sens, et la galerie restreinte de personnages.

Une belle découverte, plus intéressante qu'envoûtante.


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