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Critique de nadejda


Un livre émouvant et parfois drôle malgré la tragédie qu'il traverse. La voix de Montsé, mère de Lydie Salvayre et celle de Bernanos s'entrelacent pour faire partager ce que fut la douleur et l'horreur de ces années 1936 et 1937 durant la guerre civile espagnole.
Lydie Salvayre se met au service de sa mère en lui permettant de libérer ce qu'elle a enfoui depuis son mariage, de retrouver une parole libre, de revivre la beauté, la poésie, l'élan impétueux de vie qu'elle a éprouvé durant quelques jours à Lerida quand elle suit son frère Josep qui embrasse avec fougue les idées libertaires. Court moment suivi des exactions des forces de mort qui briseront les rêves et ramèneront à l'immobilisme antérieur que beaucoup préfèrent.
En retranscrivant le « fragnol » (mélange de français et d'espagnol) que parle sa mère, Lydie Salvayre irrigue ce livre d'un surplus de vie et d'une jubilation qui permet de contrer la mort qui domine ces années où l'on voit les déchirements au sein d'une même famille, les haines, les soupçons au sein du village où vit Montsé microcosme de ce qui se passe à l'échelle du pays.

p 82 « Depuis que ma mère souffre de troubles mnésiques, elle éprouve un réel plaisir à prononcer les mots grossiers qu'elle s'est abstenue de formuler pendant plus de soixante-dix ans, manifestation fréquente chez ce type de patients, a expliqué son médecin, notamment chez des personnes qui reçurent dans leur jeunesse une éducation des plus strictes et pour lesquelles la maladie a permis d'ouvrir les portes blindées de la censure.
(…) Elle qui s'était tant évertuée, depuis son arrivée en France, à corriger son accent espagnol, à parler un langage châtié et à soigner sa mise (….) elle envoie valser dans ses vieux jours les petites conventions, langagières et autres.

Oui, elle les envoie valser comme elle l'a fait en Juillet 1936. Ce moment qu'elle a occulté toute sa vie, sans doute pour « pas pleurer » est le seul dont elle se souvient dans sa vieillesse.

Je ne peux résister à l'envie de citer ce que Marie-Hélène Lafon a dit à Lydie Salvayre lors de leur passage à La grande librairie le 30 octobre :
« « La langue de votre livre et la mienne sont travaillées, ensemencée, travaillées au corps par une autre langue, il y a des résurgences, la langue que je tente d'écrire est travaillée en-dessous par des expressions entendues qui fomentent des coups d'état sous la peau de la langue. Et cette langue-là (le fragnol) fait douceur et joie entre la mère et la fille. » Quel bel hommage !!

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