Cet extrait nous place au coeur de la famille Moore qui accueille avec curiosité puis appréhension et peur la venue chaque jeudi de Perly Dunsmore. Cette famille qui mêle plusieurs générations témoigne par ses nombreux sentiments, du doute, du malaise provoqué par cet étrange visiteur. Les Moore ne voient pas en quoi vendre quelques objets inutiles ferait mal à qui que ce soit, surtout quand ils peuvent en récupérer de l'argent, un argent toujours nécessaire, un argent qui lie les Moore comme les autres habitants à ce commissaire-priseur. Face à cet homme, la romancière observe la famille Moore se fissurer. La grand-mère, les parents ou la petite fille sont victime, bientôt pris au piège d'un mécanisme de manipulation. Ils perdent leur repère, le sens de leur vie, de leur quotidien. Les Moore sont des personnes comme les autres. Cette banalité du quotidien facilite l'identification.
On voit alors une situation s'installer et très rapidement échapper aux habitants de la petite ville. Ils se rendent qu'ils n'ont plus prise sur rien. Ils se sont débarrassés des objets mais résistent quand il s'agit de leur terre. L'autrice,
Joan Samson, maitrise admirablement son récit parce qu'elle reste au coeur de cette famille, de cette maison vidée petite à petit. le commissaire-priseur reste une figure mystérieuse, angoissante dont on sent l'étendue du pouvoir de nuisance. Son arme, la rhétorique. Par ses mots, il séduit, amadoue. le commissaire-priseur est insaisissable et cela fait de lui un méchant incroyable. Il représente à lui tout seul un mouvement capitaliste, dominateur, manipulateur, froid et sans valeurs.
Le roman est énormément basé sur les dialogues. On sent l'impact des mots prononcés sur les personnages. C'est une déflagration qui se met en place. Ce commissaire-priseur m'a fait penser au film le Charlatan interprété par
Burt Lancaster, un homme qui embrouille et manipule son auditoire en se dissimulant derrière des valeurs et des peurs. Ici, le point de départ est quand même ce désir de sécurité. On pourrait penser à certaines personnalités politiques d'hier ou d'aujourd'hui. On commence ce livre sans réaliser jusqu'où nous mène
Joan Samson. Par la finesse de son écriture et la rigueur de sa narration, la romancière américaine saisit les sujets naissants de son époque. Ce roman est le seul qu'elle ait écrit, étant décédée peu après la publication en 1976. À la lumière d'aujourd'hui, le roman éblouit par sa lucidité. Il captive autant qu'il effraie.
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