L'action du roman se déploie autour d'un événement survenu le 6 mars 1933 à Montréal, alors qu'un policier tire à bout portant sur Nikita Zynchuck, un immigré ukrainien qui tentait alors de récupérer une malle remplie de ses vieilles fringues durant une opération d'expulsion de locataires. Celui qui était affublé du surnom de mammouth par son entourage peuplé de filles de joie, d'ouvriers au chômage et de quelques compatriotes, s'écroule sur le pavé, abattu d'une balle dans le dos.
Pierre Samson s'est plongé dans les archives de la Ville de Montréal et dans celles de la Bibliothèque nationale du Québec pour pondre un roman au style baroque, « (…) formidable condensé d'un univers complexe, un macrocosme aux rouages plus sophistiqués qu'il n'y paraît, composé de boutiquiers et de pouilleux qui rêvent de s'alimenter, de s'habiller dignement, de se doter d'un toit, de prier en paix et qui, torturés par la faim, mal chauffés, couverts de haillons, ne croient plus en rien et contemplent les richards qui confient leurs voitures aux mécaniciens en salopette. »
Ce meurtre perpétré par la force policière condense autour de lui les luttes prolétariennes menées par le parti communiste et ses tentatives d'embrigader le monde ouvrier alors bien présent à Montréal.
Le mammouth, c'est aussi le portrait d'une ville ouverte à tous, se voulant cosmopolite, mais engluée dans les diktats de la religion catholique qui vouait aux gémonies la juiverie et son emprise sur le commerce local. Montréal s'affichait alors essentiellement en anglais, et même si aujourd'hui encore on parle de la lente et constante anglicisation de la métropole, rien n'est comparable à ce qui sévissait à cette époque.
Une lecture étonnante sur un fait divers méconnu qui mérite le détour malgré quelques lourdeurs dans le récit, notamment ces longues énumérations d'entités commerciales apparaissant telles des litanies insérées dans un sermon. Trois étoiles pour l'originalité du sujet et son traitement dans un univers romanesque.