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Critique de Syl


L'île Bourbon – la Brie – Paris – L'île Bourbon – vers 1830…

« Par une soirée d'automne pluvieuse et fraîche, trois personnes rêveuses étaient gravement occupées, au fond d'un petit castel de la Brie, à regarder brûler les tisons du foyer et cheminer lentement l'aiguille de la pendule ».

Ainsi sont les premiers mots de l'histoire ; tableau charmant, rural, d'une veillée.
En fait, cela pourrait être la première scène du levé de rideau, acte 1, d'une pièce de Monsieur Molière ou de Monsieur Corneille pour la tragédie. On s'attendrait à lire « le petit chat est mort ».

Acte 1 – Les personnages se présentent. Nous avons le mari Monsieur Delmare. Ancien soldat, titré, un colonel, l'homme est vieux, violent et jaloux. Il a épousé une jeunette. Il a beaucoup d'ambition pour sa maison. Près de la cheminée, sa femme, au doux nom qui fleure l'exotisme, Indiana. Elle a dix-neuf ans, est belle, douce, porte un regard de mélancolie presque éteint. C'est une figurante qui voit la vie s'échapper. A quoi songe-t-elle ? A l'île Bourbon ? Terre qui l'a vu naître. Près d'elle, se tient le baron Rodolph Brown que l'on nomme Ralph. Il est le cousin d'Indiana. Ce jeune homme de dix ans son aîné, a la prestance rigide. Ses traits sont pourtant beaux, mais son sérieux et son flegme le rendent comme inexistant.
Tristesse, désillusion, attente, temps mort, on se languit…
Vient alors comme un diablotin sortant de sa boîte, Raymond de Ramière. Il a la pétulance d'une jeunesse dorée. Son éloquence due à un esprit fin et lettré fait de lui un jeune « héros des salons éclectiques ». Secrètement, il est le doux ami de Noun, servante et soeur de lait d'Indiana. Elle lui abandonne son coeur et sa vertu.
Secouez le pochon, les acteurs vont se livrer à un chassez-croisez amoureux.

Noun aime Raymond, Raymond aime l'amour. Il a envers elle une reconnaissance, un besoin qui le flatte. Sans être libertin, il se ment à lui même et va mener cette innocente vers l'abîme. Monsieur Delmare aurait aimé être aimer. C'est un homme simple, qui malgré son autoritarisme, aurait pu se laisser attendrir. Ralph, figure de l'égoïsme pour la plupart, veille. Présent pour Indiana, il est à la fois son père, son frère, son ami, son médecin. Il est le ténébreux, le grave, le mystérieux. Quant à Indiana, vertueuse et candide, elle se fane, elle se meurt de ne pas avoir aimé.

Acte 2 – Paris et ses salons, ses bals, la vie est pétillante. C'est aussi un lieu de chasse. Indiana rencontre Raymond ; le chasseur va traquer la biche. Les armes sont des regards, des paroles, une onctuosité dans les gestes, un amour courtois. La vie est à portée d'un baiser. Retraite de la proie, persévérance et hypocrisie du traqueur, le jeu se mène.

Acte3 – Il existe plusieurs amours. Avec sincérité, on peut aimer avec ses sens, son âme, et les deux. Chacun se dévoile, même le portrait de Ralph, recouvert d'une fine baptiste, dans la chambre d'Indiana, raconte au lecteur l'hypothèse d'un sentiment refoulé. Les coeurs sont bridés, corsetés et amidonnés, enclos de préjugés et de carcans de l'époque.
Indiana se réveille.

Acte 4 et final – … Je vais me taire et vous laisser les découvrir.

Chers amis lecteurs, vous avez dans ce livre un concentré de romantisme. Des amours perdus, des larmes de désespérance, des fuites tragiques, des âmes non comprises. On n'aime pas simplement ce roman, on le vit, on compatit, on s'en amourache.
Si j'ai mis « de Virginie à Indiana » en titre, c'est que Ralph aimait lire le livre « Paul et Virginie » à Indiana.

George Sand a écrit ce premier livre, alors qu'elle venait de s'affranchir d'un mari et d'un amant. Femme libre, elle devient celle que l'on connaît.

Préface de George Sand lors de la première parution du roman en 1842 :
…« Ceux qui m'ont lu sans prévention comprennent que j'ai écrit Indiana avec le sentiment non raisonné, il est vrai, mais profond et légitime, de l'injustice et de la barbarie des lois qui régissent encore l'existence de la femme dans le mariage, dans la famille et la société… La guerre sera longue et rude ; mais je ne suis pas le premier, ni le seul, ni le dernier champion d'une si belle cause, et je la défendrai tant qu'il me restera un souffle de vie. »

Beau plaidoyer.
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