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Critique de Soleney


J'ai longuement hésité avant de choisir la note que j'accorderai à ce livre. Finalement, je lui ai mis non pas cinq, mais quatre étoiles – pour la simple et bonne raison que L'Empire Ultime est absolument génial, mais qu'il y a quelques petites choses dont il faut qu'on discute…

Je vais commencer par parler de ce que j'aime ; et en tout premier, c'est l'univers.
Imaginez un monde recouvert de cendres où les plantes sont une denrée rare et précieuse, difficile à protéger. Où chaque nuit est envahie par une brume quasi surnaturelle par sa consistance. Où la féodalité est profondément ancrée dans les mentalités. Où un soleil rouge éclaire difficilement la terre. Voilà le cadre de Fils-des-Brumes : un écosystème affaibli où les hommes survivent comme ils peuvent – à l'exception de la noblesse, à l'abri derrière sa richesse.
J'ai adoré l'ambiance de cet univers sur le déclin, à la fois si sombre et si exaltante. Non seulement les hommes ne connaissent pas les fleurs ni les fruits, mais l'idée même d'une végétation verte les stupéfait. Les arbres sont marrons, les champs sont souvent recouverts d'une cendre étouffante pour les plantes, et si les hommes ne s'en occupaient pas, les pousses mourraient rapidement. Vivre est une lutte de chaque instant.
La société est aussi très intéressante à découvrir. Les clivages y sont extrêmement forts : jamais un skaa ne pourra devenir noble, et vice-versa. Ce sont presque deux races distinctes, comme les chiens et les loups. Les injustices et l'oppression sont des piliers de l'autorité, à tel point que les skaa sont devenus moins importants que des animaux. En plus de ces deux classes sociales, il y a aussi les obligateurs, qui auraient peut-être eu la place de prêtres dans notre France médiévale. Ils sont les yeux et les oreilles du Seigneur Maître, ratifient les documents, contrôlent les transports maritimes et terrestres, le commerce, mais aussi les bals et les fêtes de la noblesse. Et au-dessus d'eux, il y a les Inquisiteurs d'Acier, dont le nom fait trembler tout être humain. On les dit immortels, on prétend qu'ils maitrisent l'allomancie aussi bien que des Fils-des-Brumes, et personne ne sait comment ils sont recrutés et formés. Ils font partie intégrante du mystère de cette série.
Et enfin, la magie de ce monde est fascinante et originale. Elle se base sur la consommation de métaux, qui donne diverses propriétés aux personnes qui peuvent les avaler. Brandon Sanderson a préféré nous la faire découvrir petit à petit, en même temps que Vin, et on apprend les règles les unes après les autres.

Le deuxième point qui m'a le plus plu est les personnages, qui sont très travaillés et dont aucun n'est vraiment manichéen. Vin, par exemple, va beaucoup évoluer au cours de ses expériences et de son apprentissage. Elle va faire la découverte de diverses facettes de sa personnalité à cause de ce qu'elle va vivre. Je me suis beaucoup attachée à elle car elle est touchante. Kelsier, pourtant le mentor de l'héroïne (et donc modèle à suivre), se révèle avoir plusieurs défauts qui le rendent humain : son orgueil, son besoin d'être admiré… Ham, gros dur baraqué, est en fait un philosophe en herbe qui a un besoin vital de tout remettre en question, et j'ai adoré ses réflexions – même si les autres protagonistes ne les comprennent pas et/ou n'en ont rien à faire.
Le mieux, c'est que j'ai ressenti un profond attachement pour certains personnages, et une haine viscérale pour d'autres. Ça faisait longtemps que je n'avais pas été si investie émotionnellement parlant dans un roman ! Mon préféré, c'est Elend. Son anticonformiste le rend irrésistible et son goût de la lecture me le rend plus proche. Sa relation avec Vin est aussi sacrément crédible ! Les piques qu'ils s'envoient sont très drôles et bien divertissantes (ces deux-là sont explosifs !). Celle que j'ai haïe, méprisée, détestée n'est autre que Shan. Pourquoi (au nom du Ciel, pourquoi ??) Vin ne laisse-t-elle pas sa mission de côté deux secondes pour la remettre à sa place ? J'en ai rêvé, je l'ai espéré, et je suis frustrée.
Mais finalement, le personnage le plus intéressant de cette série est le Seigneur Maître. C'est un tyran immortel et invincible, apparemment sans défaut. Cependant, il n'a pas toujours été comme cela, et l'auteur joue beaucoup dessus – et ce dès le début. le plus amusant, c'est qu'il est très souvent au centre des conversations : les protagonistes tentent de l'analyser, d'anticiper ses réactions et de le cerner. Pourtant, jamais ils ne croisent sa route et jamais ils ne l'ont rencontré (à l'exception de Kelsier). Pendant la grande majorité du récit, nous ne savons pas quel genre de personne il est, ni même à quoi il ressemble. Un grand mystère plane autour de cet homme (si c'en est bien un) : que cache-t-il ? Qui est-il ? Pourquoi est-il ainsi ?
Il est considéré comme le Fragment d'Éternité, une part de Dieu qui serait en droit de gouverner les hommes. Par cette notion, Brandon Sanderson introduit la problématique de la religion. Tout culte est interdit (outre celui du Seigneur Maître), mais y-a-t-il une vérité derrière cette religion obligatoire ? le Seigneur Maître est-il vraiment une partie de Dieu ? Par conséquent, l'ordre qu'il a établi est-il le bon, le juste ordre voulu par Dieu lui-même ? Et donc, est-il légitime de chercher à le renverser ? (Merci à Ham pour toutes ces réflexions^^).

Et voilà donc le troisième point que j'ai apprécié dans cette série : les problématiques. L'auteur aborde des problèmes de société, de religion, d'argent, de morale… Qu'est-ce que l'argent, sinon une représentation physique de l'effort de quelqu'un ? Qu'est-ce qui nous dit que ce qu'on fait est juste ? À plusieurs reprises, je n'ai pas pu m'empêcher de faire le lien entre le culte du Seigneur Maître et la religion catholique. Ses « prêtres » oppriment et contrôlent la population (et parallèlement, l'Église était extrêmement puissante au Moyen Âge, directement liée à la royauté), il a écrasé toute les autres religions en accédant au pouvoir, les rendant illégales (comme les catholiques l'ont fait avec moult peuplades, notamment les Aztèques).
Ces réflexions sont rafraichissantes en fantasy parce qu'elles sont trop rares, selon moi. Des personnages qui suivent leur instinct et agissent sans réfléchir n'ont aucun intérêt. Qui ne se remet pas en question, ici-bas ? Qui, étant investi d'un grand pouvoir, ne se sentirait pas le besoin de songer aux notions de destin, de devoirs et de justice ?

Venons-en maintenant à ce que j'ai moins apprécié.
Pour commencer : la carte. Elle est très petite et pas assez visible, et les Dominats m'ont embêtée. Ne rigolez pas, mais ça m'a vraiment perturbée (je penchais le livre pour la regarder). Anecdote : j'ai eu beau chercher, je n'ai pas trouvé beaucoup de fleuves (il y en a seulement deux : le Channerel et le Seran).
L'écriture est très fluide, mais les descriptions des combats sont plutôt compliquées car très détaillées. J'ai souvent eu du mal à les lire, car je n'arrivais pas très bien à me représenter les scènes. C'est pareil pour les déplacements avec Poussées et Tractions. Je pense que l'auteur aurait gagné à laisser un peu de flou, pour ne pas nous embrouiller.

Mais comme ce ne sont que des détails de peu d'importance, je retiendrai essentiellement de cette lecture le plaisir que j'ai pris à suivre les aventures de Vin, de Kelsier, et de toute la bande. Je retiendrai aussi l'épais mystère qui me donne envie d'avancer encore plus vite pour connaître la fin (et dire que deux milles pages m'en séparent encore...).
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