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Critique de karmax211


"Pour les religions monothéistes (principalement le judaïsme, le christianisme et l'islam), la sorcellerie fut souvent condamnée et considérée comme une hérésie. La notion de sorcellerie prit une certaine importance pour les chrétiens à partir des xive – xve siècles, l'apogée des chasses aux sorcières ayant eu lieu au xviie siècle. À cette époque la sorcellerie a progressivement été assimilée à une forme de culte du Diable. Des accusations de sorcellerie ont alors été fréquemment combinées à d'autres charges d'hérésie contre des groupes tels que les Cathares et les Vaudois. Certains groupes anciens ou modernes se sont parfois plus ou moins ouvertement réclamés d'un culte « sataniste » dédié au mal."

À partir de ces informations glanées sur Wikipédia, il est facile de faire des associations historiques, littéraires, "culturelles" ; Jeanne d'Arc est sans aucun doute la plus "célèbre" des sorcières françaises, celles de Salem d'outre-Atlantique, ceci dit sans faire offense à Samantha Stephens, Hermione Granger, aux soeurs Sanderson, à Sabrina Spellman, ou bien encore à l'inquiétante Maléfique...

Ceci pour tendre à montrer qu'il reste de cette notion de sorcellerie et de sorcier des résidus culturels et j'irais même jusqu'à supposer... cultuels, rituels, spirituels, voire une ou des empreintes psychogénétiques...

C'est dire si cette histoire de sorcellerie nous a durablement marqués.
C'était originellement fait pour cela.

L'Inquisition, qui veut dire enquête, est une enfant légitime de l'Église, qu'elle fait naître au XIIIe siècle.
Afin de se défaire de ses brebis galeuses, elle soumet, la plupart du temps, la (le) soupçonnée d'hérésie, de sorcellerie, à la question.
Ce n'est pas dans ce roman, dont je vais finir enfin par vous parler, que j'ai lu les scènes les plus crues sur ces horreurs mais dans celui de Jean Teulé - Je, François Villon -... ; Teulé n'avait pas son pareil pour nous montrer, presque nous faire toucher, sentir la "charogne" qu'un bourreau, un écorcheur déchiquetait, laissait macérer avant de la réduire en cendres sur le bûcher des innocents.

Quelque part entre le XVIe et le début du XVIIe siècle, dans la petite bourgade "allemande" d'Eisingen, non loin de Wurzbourg, une jeune et belle paysanne, Anna Thalberg, est brutalement arrêtée, enlevée dans sa chaumière par des hommes de main mandatés par l'Église.
On l'encagoule d'une capuche "qui sent la transpiration et la salive rances", on la jette ventre contre terre dans une charrette ; un des hommes l'écrasant de son pied pour lui interdire tout mouvement.
Anna est belle, elle a une chevelure rousse, sa peau est tachée de son, elle a des yeux de miel, des yeux comme un loup.
Son pêché ou sa faute ?
Sa beauté qui a fait naître la jalousie dans la tête et dans le coeur de certaines femmes, dont Gerda sa délatrice.
Et c'est une "étrangère" ; elle n'est pas d'ici, elle n'est dans le village que depuis deux ans.
" La rousse, l'étrangère aux yeux de miel comme ceux d'un loup, à la peau saupoudrée de taches de rousseur comme un serpent venimeux."
Les hommes l'emmènent à Wurzbourg où elle va être jetée dans l'un des cachots noirs de la tour aux sorcières... avant d'être soumise à la question par un bourreau.
Elle est donc accusée de sorcellerie.
Ses chances de survie sont nulles.
Dans le "meilleur" des cas, elle avoue et ses bourreaux auront l'indulgence de l'étrangler avant de la brûler.
Soit elle n'avoue pas et ce seront les flammes sans "rien".
Pendant trois longues semaines Anna va faire face à la question avec un courage surhumain, puisant en elle des ressources qui vont ébranler certains de ses tortionnaires.
Jamais elle ne baissera les yeux devant Melchior Vogel, le grand inquisiteur, l'incarnation du mal.
Durant ces trois semaines de Calvaire, Klaus son pauvre mari la cherchera et tentera auprès de Friedrich, le curé dans le doute de leur village, de tout faire pour la sauver.
Pendant ce temps, Anna aura de longs entretiens avec Hahn, le confesseur inquisiteur.
Pendant ce temps, alors que les ecclésiastiques s'évertueront à donner l'apparence de la vérité à leurs délires, la "sorcière" se servira de la seule baguette magique en son pouvoir : son intelligence...

Il y a plusieurs lectures de ce court et brillant roman.
- Une lecture littérale, j'entends par là une histoire de sorcellerie basée sur des faits réels.
- Une lecture historique, laquelle histoire est bien retranscrite par l'auteur ; la période faisant référence au prince-évêque Jules Echter von Mespelbrunn entre 1573 et 1617 est celle dont il est question dans cet ouvrage, et il est par conséquent assez logique de lire qu'"On estime que dans l'évêché de Wurtzbourg, 900 personnes ont été brûlées, dont 200 dans la ville."
- Une lecture politique. Par là je veux signifier que les sorcières, l'Inquisition et l'hérésie ont été un "excellent moyen" trouvé et prétexté par les puissants pour asseoir et sauvegarder leur pouvoir.
- Enfin, une lecture que je qualifierai de "philosophique" ; le sujet de la réflexion portant sur les excès imputables aux fanatiques de la "vérité", du "savoir", de la croyance, comme le montre si bien ce petit roman.

Impossible de terminer sans dire quelques mots de la belle plume ciselée d'Eduardo Sangarcia, de ses trouvailles formelles matérialisées par des phrases décalées, des chapitres dans lesquels les dialogues et les pensées des personnages se font sur deux niveaux, et où le texte, dans son intégralité, n'a pour ponctuation que quelques virgules.
Tout ça fait de la très bonne littérature et un très bon premier roman.

Lu dans le cadre d'une Masse Critique.





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