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Critique de JacobBenayoune


Il était temps que j'écrive quelque chose à propos de ce roman alors que nous sommes en plein confinement à cause de cette pandémie du Coronavirus. Car, il s'agit bien d'une situation semblable dans ce roman où une épidémie des plus étranges se propage dans une ville pour atteindre tout le pays et se propager à travers le monde.

L'aveuglement est un roman atroce où le réalisme d'une situation imaginaire renforce cet aspect cruel de l'histoire. José Saramago conduit en maître la trame de son roman en décrivant jusqu'à où l'humanité entière peut s'abaisser et atteindre une bestialité hideuse. En effet, on suit le parcours d'un groupe de personnes, dont le nom n'est pas mentionné et qui sont mises en quarantaine après avoir été contaminées par une maladie étrange ; une cécité blanche ! Au fur et à mesure que l'épidémie se développe et que la base où étaient enfermées ces personnes reçoit d'autres malades, on assiste à une dégradation totale des principes et des moeurs. La panique et l'envie de survivre les poussent à faire des comportements inhumains. Tout cela on le voit grâce à la femme de l'un des malades ; la seule qui peut voir, par bonheur ou par malheur car elle sera témoin de toutes ces ignominies.

Ainsi, la perte de la vue entraîne la perte de ce garde-fou contre le mal. Les aveugles ne voyant plus rien se permettent tout et sachant que personne ne les voient, ils se sentent plus libres dans le manque de tout contrôle moral ou pénal. Par contre la cécité a permis aux gens de découvrir, de « voir » leur véritable nature, de sonder leur côté caché, presque diabolique. Car précisément ils étaient « des aveugles qui voient, Des aveugles qui, voyant, ne voient pas ».

Cette histoire des aveugles guidés par cette femme, comme l'image de la liberté guidant le peuple, au milieu des excréments, des cadavres et des ordures, est une horrible satire de l'infamie de l'Homme et de sa faiblesse ; son insignifiance. Cette femme réussit à les aider à survivre (surtout le groupe qu'elle guide) mais elle ne pourra pas, malgré ses efforts, à les tirer de leur bestialité. Cette histoire où les noms des personnages et des lieux sont absents prend une dimension universelle et répond parfaitement à la définition du roman selon Kundera puisqu'elle décrit mieux que n'importe quel essai la condition humaine. Chose ironique, le titre original est "Essai sur la cécité".

Le style de Saramago est assez singulier (pour ceux qui n'ont jamais eu l'occasion de lire ses romans). Les dialogues ont une forme inhabituelle puisque récit et dialogue ne sont séparés ni de tirets ni de guillemets ; seules, des majuscules nous informent du début de chaque réplique et du changement des interlocuteurs. La narration dense et compacte nous tient en suspens et l'on se voit parcourir des paragraphes qui s'étalent sur plusieurs pages et où la virgule est la reine. Mais dès qu'on s'habitue à son style particulier, on entre dans le jeu de Saramago.

Le roman est d'une profondeur remarquable, et sincèrement on ne sort pas indemne de cette lecture. Malheureusement, son adaptation cinématographique n'était pas à la hauteur de ce roman.
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