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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Un jeune historien, specialiste des systemes “industrialises" des camps d'extermination nazis, gagne son pain en servant de guide en ces camps a des groupes de lyceens et des delegations de parlementaires et de soldats israeliens. Il met toute son ame dans ce devoir de memoire, mais justement cette implication immoderee et surtout les reactions qu'il recoit vont le miner peu a peu jusqu'a ce que, perdant la tete, il explose. le “devoir de memoire" est devenu pour lui un monstre, le “monstre de la memoire", qui finit par le terrasser.


Le livre, par la bouche du guide, detaille l'organisation des camps, de chaque camp avec ses differences, en des pages d'une secheresse informative hallucinante, qui provoquent le lecteur, qui le font s'identifier et avec les bourreaux et avec les victimes et avec ces historiens qui s'engouffrent et le noient dans les details, des pages qui deviennent vite effarantes pour le lecteur, monstrueuses, pour le lecteur aussi une espece de monstre de la memoire.


Et insidieusement s'infiltre dans la lecture un deuxieme monstre, l'ombre du premier. Car avec ce petit opus Sarid entre de plein pied dans la polemique qui sevit en Israel autour des “pelerinages" de lyceens (ainsi que de jeunes soldats) a Auschwitz.

Tout d'abord, est-ce qu'on ne risque pas de faire de la Shoa et de son souvenir un des elements de base de l'identite israelienne? Une victimisation peut-elle etre porteuse d'avenir?

Et de fait, que retirent ces jeunes de ce voyage? Quelle morale, quel enseignement (quand ils ne se contentent pas de s'initier a la vodka)? La plupart reviennent avec une formule magique: “Jamais plus!” Jamais plus quoi? Que jamais plus un genocide de ce genre ne puisse etre perpetre, nulle part en ce monde, sur aucune population que ce soit, ou uniquement que jamais plus les juifs ne soient aussi demunis et faibles et que pour cela les israeliens se doivent d'etre forts et armes jusqu'aux dents? Beaucoup ne reviennent, apres avoir brandi leurs drapeaux en Pologne, qu'avec cette derniere conclusion. Alarmante conclusion pour Sarid qui met ses peurs, ses cauchemars, dans la bouche d'un jeune: “Je pense que, pour survivre, nous devons, nous aussi, etre un peu des nazis” (Sarid, homme de gauche, est le fils d'un des plus fervents ouvriers pour une paix possible et juste en Israel-Palestine, le regrette Yossi Sarid). Est-ce que le devoir de souvenir, par la pratique de ces voyages, ne risque pas de devenir une manufacture de fanatisme, de culte a la force, ou pire, a la brutalite, ou encore pire, a la haine? Sarid en tous cas le craint, quand il fait dire a son pauvre heros “en fait, cela m'a pris des annees pour comprendre que la haine poussait dans les lieux de haine”.


En arriere plan, Sarid s'eleve contre toute instrumentalisation de la Shoah et des crimes nazis, que ce soit de la part d'israeliens pour couvrir une politique criticable, de la part d'europeens qui se parent de beaux discours et de belles commemorations pour cacher leur inaction, leur torpeur face au reveil d'un antisemitisme sournois, ou, comme nous avons pu le voir dernierement, de la part d'un dictateur pour justifier son agression armee d'un pays voisin.


Ce livre reste un roman, pas un pamphlet. Un roman d'une ecriture directe, precise, qui justement rend sa lecture aigre-douce, d'une acidite un peu incommodante. Et c'est peut-etre sa force. Comme les medications d'antan, dont l'efficacite se mesurait souvent a leur degre d'acrete, a la difficulte de les ingurgiter. Ce livre peut causer un certain malaise? Parfait! C'est comme ca qu'on traite un mal plus inquietant.
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Ce roman est dérangeant par les questions qu'il soulève : notamment celle de la fascination du mal. Pourquoi est-on fasciné par des actes monstrueux au point de s'en repaître ? Est-on finalement normal ?
le narrateur est un guide des camps de concentration et d'extermination sous l'Allemagne nazie. Il connaît chaque recoin par coeur et le discours servi aux lycéens est bien rodé. Il a laissé en Israël sa femme et leur fils, qu'il voit trop peu.
Ce qui m'a mise mal à l'aise est le comportement de ces adolescents : certains dansent au camp de Sobibor, le directeur justifie cet acte comme un hommage aux déportés assassinés, certains scandent qu'il faut recommencer la Shoah pour les Arabes... Ce décalage entre ces lieux chargés de sang, ces lieux faits pour tuer dans l'optique de les détruire comme si de rien n'était, surtout construits en dehors de l'Allemagne, et ces adolescents est immense et insoutenable.
Néanmoins, certains ont été sensibles à la détresse d'un homme rescapé qui a perdu sa mère et sa soeur. J'ai pleuré avec cet homme, parti vivre en Israël.
Le Monstre de la Mémoire est un roman nécessaire qui explore la Shoah de manière historique : comment conjuguer des faits bruts et la part d'humanité de l'historien ? Il faut entrer dans la pensée du 3ème Reich, chose compliquée qui ne sert pas à l'excuser, et se mettre à la fois du côté des victimes.

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Thésard en histoire contemporaine, le narrateur accepte à contrecoeur un poste au mémorial Yad Vashem dédié aux victimes de la Shoah. Son rôle sera de faire visiter les lieux d'extermination à des étudiants et des militaires de Tsahal. Il se documente méticuleusement à l'écrit et va interroger des rescapés. Très vite, le « monstre de la mémoire » se dessine : « La majorité des rescapés était de santé fragile et ne pouvait supporter un tel périple. Une partie souffrait de troubles cognitifs et de perte de mémoire à divers degrés, d'autres, pour des raisons évidentes, craignaient de ne pas supporter le choc et ne voulaient pas retourner là-bas. Je soupçonnais aussi quelques-uns d'avoir été des kapos ou des collabos, ce dont ils s'étaient cachés leur vie durant, pourquoi ouvrir une plaie alors qu'ils avaient un pied dans la tombe ? » (p 26). Sur place les jeunes et les appelés — sains, positifs, supérieurs dans leur image au présent polonais et au passé des vaincus — ces israéliens bien vivants ne peuvent concevoir le rapport des forces des années noires : « Les effectifs qui veillaient au bon fonctionnement de l'extermination à Treblinka se chiffrent à trente Allemands (y compris ceux qui étaient en congé), 150 ukrainiens et 600 juifs, voilà ce que j'expliquais toujours à mes groupes — c'était le même ordre de grandeur dans tous les camps d'extermination — et j'attendais l'expression stupéfaite qui se peignait immanquablement sur leur visage » (p 54). Alors ces jeunes qui admirent secrètement l'efficacité allemande réagissent par le déni, ou le communautarisme (c'étaient des ashkénazes), ou la déviance (c'est ce qu'on devrait faire aux Arabes ou encore : mort aux gauchistes), et le narrateur doit les ramener aux questions fondamentales : qu'auriez-vous fait devant la peur paralysante, l'annihilation de la volonté, l'instinct de survie ? et les jeunes refusent le débat. La situation empire quand l'armée veut organiser un évènement : « Embarquer dans des hélicoptères une unité de Tsahal composé de soldats venus de différents corps d'armée, la faire atterrir sur zone et, une fois qu'elle aura conquis le site, commencer la cérémonie par le discours, puis viendront les chants et les programmes artistiques » (p 95). Une telle initiative a-t-elle existé ? le livre est court, d'une traite, sans découpe en chapitres, parfaitement écrit dans sa précision saisissante et sa nudité psychologique. Il laisse le lecteur dans un profond malaise.

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Le monstre de la mémoire est un étrange voyage entre Israël et la Pologne, éducation et mémoire, représentation et instrumentalisation. Ce livre se présente sous la forme d'une longue lettre ininterrompue où un doctorant israélien s'adresse au président de Yad Vashem, l'institut international pour la mémoire de la Shoah.

Dans une sorte de confession cathartique, le narrateur raconte comment il en est venu, allant à l'encontre de ses désirs, à étudier le processus d'extermination des Juifs mis en place par les Allemands lors de la Seconde Guerre mondiale ; bientôt considéré comme un expert du sujet, le voilà nommé guide attitré des voyages organisés en Pologne pour les classes de jeunes lycéens israéliens, dont il abhorre l'ignorance et la haine sous-jacente qu'il voit naître en eux.

Les voyages et visites des camps s'enchaînent, les "survivants" que le guide s'acharne à dénicher se font de plus en plus rare, et notre doctorant plonge inexorablement dans les abîmes de la mémoire et des questions inexprimables qu'elle suscite : pourquoi tant de passivité dans les camps, pourquoi si peu de haine pour les Allemands et tant pour les Polonais, pourquoi un racisme patent des jeunes israéliens enveloppés de leurs drapeaux bleus et blancs pour les Ashkénazes ? Et surtout, qu'aurait-il et qu'auraient-ils fait s'ils avaient été à leur place ?

Perdant toute foi en l'humanité et en l'humain, qu'il considère comme foncièrement violent, le narrateur illustre à travers ses élèves et les officiels auxquels il fait visiter les camps que la leçon retenue ne semble pas la bonne, puisque tous s'empressent de reproduire les mêmes exactions, ou la même volonté inavouée de supprimer leurs ennemis, que les Nazis contre lesquels tant de voix se sont élevées a posteriori.

La seconde partie de l'ouvrage tourne à l'absurde lorsque le narrateur participe au repérage d'une mise en scène grossière prévue par et glorifiant l'armée israélienne sur les terres polonaises, tandis que les seuls qui semblent véritablement s'intéresser à ses propos et aux détails qu'il fournit en qualité d'historien sont une équipe de développeurs d'un jeu vidéo et un Allemand à l'air louche...

Une lecture qui ne laisse pas de marbre, un tantinet longue par moment et qui plonge le lecteur dans un profond malaise, mais qui a le mérite d'appuyer sur des tabous sur lesquels personne ne veut se pencher.
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Après le poète de Gaza (sublimissime) et Une proie trop facile, voici Yishaï Sarid de retour avec son quatrième roman – il semblerait donc que j'ai loupé le troisième temple.
Ce roman est rédigé telle une lettre écrite par un historien israélien – devenu malgré lui spécialiste de la Shoah – à son directeur, au président de Yad Vashem (Institut international pour la mémoire de la Shoah à Jérusalem). En effet, suite à un concours de circonstances et à quelques excuses pour ne pas émigrer pour étudier, cet homme fait le choix de se spécialiser dans la connaissance des différents camps de concentration. Ainsi, il délaisse régulièrement sa femme et son fils afin de se rendre en Pologne afin d'accompagner des groupes de lycéens dans la visite de ces camps.
Le guide, au départ, excellent, expérimenté et parfaitement documenté se transforme ensuite en homme tourmenté par les événements du passé, esseulé dans ce devoir de mémoire et, enfin, impuissant face à la non-réceptivité de certains touristes et face à l'ampleur de la tâche à accomplir.
Comme d'habitude, la plume de Yishaï Sarid est magnifique, riche et intelligente et sert particulièrement bien cette lettre d'un homme dont les certitudes ne vacillent pas au fil des pages.
Lien : https://letempslibredenath.w..
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LE MONSTRE DE LA MEMOIRE de Hishaï Sarid "Actes Sud 2021 - traduit de l'hébreu 2017" 160,-pages


"je restais cependant toujours aussi terrorisé par l'histoire du temps présent, que je voyais comme un torrent déchaîné, capable de tout emporter sur son passage. Or moi, j'aspirais à une vie tranquille, tournée vers les époques anciennes dont les événements révolus n'éveillent plus aucune émotion chez quiconque", écrira le narrateur

Ce jeune homme, hébreu habitant Israël déjà marié et père se voit proposer un poste pour faire office de guide pour les visites des camps de la mort de la seconde guerre mondiale.
Le nazis étaient très ordonnés et préféraient faire les sales besognes ailleurs que sur leur terre. La Pologne servi donc de lieu de prédilection pour les camps de concentration afin d'éliminer les juifs, gitans, homosexuels et tout ce qui dérangeait le bon ordre du nazisme.
C'est donc dans ces lieux du souvenir que se déroulent des visites d'israéliens, écoliers, militaires, touristes. Et peu à peu notre narrateur va se laisser déborder par la noirceur de ses fonctions.
Un livre particulièrement difficile. le temps fait que le souvenir s'estompe et c'est insupportable pour une partie plus âgée du peuple hébreu qui vit encore avec ce passé invalidant. les jeunes hélas commence peu à peu à s'en désintéresser... un combat pour notre "héros".
La cruauté existe depuis la naissance de l'homme. Les conquistadors portugais usèrent des pires bassesses pour éliminer les peuples Incas, Napoléon (cet Hitler du 19ème siècle) a toujours ses admirateurs et repose au Panthéon, les européens pillèrent l'Afrique avec barbarie considérant que le "noirs" n'étaient pas des humains.
La liste est longue et la mémoire collective est sélective. Il est des choses qu'il vaut mieux oublier ?
Telle la question.

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