«
La plus secrète mémoire des hommes» est un roman de 457 pages, écrit par l'écrivain sénégalais
Mohamed Mbougar Sarr, qui a obtenu le Prix Goncourt en 2021.
L'histoire est celle de Diégane Latyr Faye, un jeune écrivain sénégalais qui, en 2018, met la main sur un livre très rare, intitulé «Le labyrinthe de l'inhumain», écrit en 1938 par un mystérieux écrivain portant le pseudonyme de «T.C. Elimane». Diégane lit ce roman, et en ressort bouleversé. Il apprend qu'à sa sortie, ce texte a excité la curiosité des critiques littéraires de Paris, déchaînant les réactions les plus extrêmes, entre éloge et racisme, et que son auteur a ensuite disparu sans laisser de trace.
Qui était T.C. Elimane? Qu'est-il devenu? Pourquoi n'a-t-il rien écrit d'autre? Diégane se décide à retracer le parcours du mystérieux écrivain, quitte à devoir remonter le temps et faire face à son rapport à la littérature, en tant qu'écrivain sénégalais de langue française.
Ce roman est difficile à commenter. Ce qui est le plus facile à constater, c'est la qualité de l'écriture, très travaillée, et la profondeur du thème. Si j'ai bien compris ce roman (et ce n'est pas sûr), je dirais que la quête de Diégane est un prétexte pour explorer les milles rapports entre les lecteurs et les livres qui marquent leurs mémoires, et peuvent même changer leurs vies, quand bien même les auteurs eux-mêmes désertent. Cette thématique est vraiment très originale, et donne lieu à de puissantes et superbes réflexions.
Toutefois, j'ai trouvé la structure du roman un peu trop complexe : il y a beaucoup de narrateurs différents (Diégane en est un, mais ce n'est pas le seul), qui sont dans plusieurs villes (Paris, Amsterdam, Buenos Aires, Dakar), et qui s'expriment sans que l'on sache exactement à quelle époque ils se situent. Il est parfois vraiment difficile de s'y retrouver, surtout quand l'un des narrateurs relate ce que lui a dit un personnage dans un temps reculé, parfois avec plusieurs niveaux de discours rapportés (exemple : Diégane écoute parler une écrivaine sénégalaise qui a connu dans le passé une Haïtienne partie vivre en Argentine, qui avait rencontré T.C. Elimane. La Sénégalaise rapporte à Diégane ce que T.C. Elimane avait dit à son amie haïtienne). Est-ce que ça ne va pas trop loin?
Je ne mets donc que trois étoiles, car le roman a une structure trop complexe alors que, en définitive, il ne s'y passe pas grand chose. Ce n'est pas pour autant un roman à éviter, mais il m'a quelque peu déçu, car ce n'est pas une lecture facile, ni réellement émouvante. Les réflexions de l'auteur sur la colonisation, et ses conséquences sur la place des écrivains africains de langue française, sont toutefois très intéressantes.