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Citations sur La fille de la grêle (79)

Alors j'ai travaillé, Adèle, la nuit, le jour, et je m'en suis sortie. Je suis arrivée plus haut que mes parents. Un jour, je suis devenue quelqu'un dont on regarde le nom au bas de l'article, quelqu'un qui s'est intéressé à la misère des autres sans qu'elle l'atteigne, quelqu'un qui a cru que porter la plume dans la plaie pouvait changer le monde. Comme j'ai été heureuse dans ce métier ( journaliste) qui m'a plongée dans les caniveaux! Tel un chien, je suis allée renifler aux portes, j'ai fait parler les anonymes, les fous, les dégénérés, les moins que rien, les femmes violées, les enfants martyrisés, les euthanasiés, les repentis, j'ai disséqué en tranches les faits divers, j'ai attendu que la femme du tueur m'ouvre leur chambre à coucher, j'ai fouillé sous son lit, j'ai suivi le violeur juste avant la bascule, j'ai crapahuté jusque dans la forêt, j'ai ranimé sa victime derrière le buisson, j'ai raconté ce que j'avais vu sans en changer un mot. J'ai interrogé la misère humaine dans le fond de l’œil et je m'en suis repue....
(....)
Quelle idiotie ! Je cherchais seulement la vérité, celle qui peut parfois donner le frisson. Où est-elle la vérit" ? On te bassine avec, à l'école de journalisme.... Mais que veut-elle dire, au bout du compte, quand tu sais des tas de choses que tu ne peux pas écrire ?
pages 166-167.
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Je lis encore, le jour, la nuit. J’ai toujours lu, depuis que j’ai eu des livres. Toute ma vie, j’ai eu soif de livres. J’ai toujours aimé le papier sous ma main, les pages à corner du bout du doigt, les mots à lire et relire comme autant de révélations silencieuses sur le monde, les sentiments, les mystères qui m’entouraient et me demeuraient pleins d’ombres. L’enfant pauvre et solitaire que j’étais y a découvert l’inconnu, une nourriture, un apaisement, une fenêtre ouverte. J’ai entretenu avec les livres le dialogue que je ne pouvais pas avoir avec ma famille. Avec Rimbaud, j’ai embrassé l’aube d’été tombant au bas du bois, j’ai cherché chez Milan Kundera des réponses au conflit entre la gravité et la légèreté, je me suis sentie l’étrangère de Camus sur la plage éclaboussée de soleil, j’ai étreint les mots de Bernanos la puissante simplicité de nos vies, j’ai vibré à l’effroi et à la délicatesse d’Emily Dickinson et sa solitude de l’espace… Encore aujourd’hui, ces livres me rassurent, ils sont sur mon étagère la présence vivante de ceux qui nous ont précédés et sont entrés dans l’éternité. D’autres ont été vieux avant moi, d’autres le seront après.
Comme Hermann Hesse, dont j’ai découvert L’éloge de la vieillesse. Ses phrases prennent le temps que plus personne n’a, incisent la petitesse du réel pour lui donner tout son sens, me remplissent de profondeur lumineuse et de paix. « Être vieux représente une tâche aussi belle et sacrée que celle d’être jeune ou de se familiariser avec la mort. Mourir constitue par ailleurs un acte aussi important que les autres. (…) Pour accomplir sa destinée d’homme âgé et remplir convenablement sa mission, il faut accepter la vieillesse et tout ce qu’elle implique, il faut acquiescer à tout cela. »
Une tâche, belle et sacrée.
Mourir, un acte.
Acquiescer. L’inverse de lutter. Ai-je jamais acquiescé à quelque chose tout au long de la vie ?
Hier, j’ai encore lu et relu ces phrases à la lueur de ma lampe. Elles ont diffusé en moi une douceur infinie et inattendue, pareille au ciel. Elles inversent les certitudes, ce qui nous fait souffrir, ce que l’on subit depuis notre naissance. Mourir peut être un choix, mourir doit être un choix, oui.
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Mais qui sait ce qu’est la vieillesse avant d’y entrer ? Aucun être humain n’est préparé à l’expérience solitaire de sa propre vieillesse et encore moins de sa fin.
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Une mère, Adèle, c’est si important pour une enfant. Aujourd’hui, hier, demain, le ciel, la terre, tout est contenu dans son regard, ce regard qui devient sourire quand l’enfant trébuche et chute contre sa poitrine, ce regard tout-puissant qui est le seul à consoler, à effacer. Maman a su que j’avais réussi, que je m’en étais sortie et c’était tout ce qui comptait.
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Vois cette femme toute nue, tremblant sur ses jambes, qui te confie avec tant d’amour ce qu’elle fut, tapie au fond d’elle-même. Cette mère qui, sentant sa vie lui glisser des mains, remonte son fleuve pour retrouver sa source, saute de vieillesse en enfance et inversement. Le sait-on assez que la vieillesse, cet état de dépendance, cette clôture de la liberté, est une réminiscence de l’enfance sans l’horizon ?
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Toute ma vie, j’ai cherché les mots. Je les ai cherchés pour échapper à la sidération du réel. J’ai rapatrié dans l’écriture la dureté de mon monde paysan, j’ai rempli les blancs de ma mère, raturé les trop-pleins de mon père, j’ai parlé à la place de mon frère. Je lui ai demandé pardon. J’ai écrit pour transformer.
Et si le silence que je croyais complice de ma mère avait été soumis, ou simplement idiot ? Et si la haine assassine de mon père à l’encontre de mon frère avait été malade ? Et s’il fallait faire mal pour survivre dans ce monde de manque ?
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Cette terre allait tous nous rendre malades.
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Tel un ver dans le fruit, l’amertume, invisible au départ, avait creusé un trou dans la cervelle de Joseph. Cela avait sans doute commencé depuis longtemps, bien avant ma naissance, bien avant que je ne me demande, d’où je viens ? Qu’y a-t-il eu avant moi ? Et le trou s’était à présent élargi. Il avait touché le cerveau de ma mère, le mien, celui de Jean. Ce trou avait fait son nid sous notre toit jusqu’à y ouvrir un cratère et ce cratère allait bientôt tous nous engloutir. Ce n’était qu’une question de temps.
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Être parent, tu le sais, c’est être seul face à son enfant. C’est lui faire croire, partout, tout le temps, que le monde est beau.
J’ai tant voulu te le faire croire, Adèle, tant rêvé d’être une femme normale, une femme qui sourit. Et j’y suis arrivée, j’ai gagné mes galons dans la grande ascension sociale du siècle dernier, Marie, la brillante élève, la femme toujours bien mise, la travailleuse acharnée, la femme à la voix aussi douche qu’une chanson. Toute ma vie, je me suis hissée sur la pointe des pieds, et maintenant le mur se fissure de tous les côtés. Et dans ma mort, je repense à ma mère dans sa pauvreté qui savait à peine lire et écrire, et dont je corrigeais les fautes quand elle voulait dire à M. Delmas que je n’irais pas à la cantine parce que je n’y mangeais rien. Maman infatigable, jamais malade, qui se levait avant le soleil pour bourrer la cheminée de bûches et répandre la chaleur dans la ferme pour me faire croire qu’il faisait chaud en hiver, maman qui me murmurait le soir au coucher, tandis que je sentais l’angoisse monter, ce que tous les parents murmurent à leurs enfants : « N’aie pas peur, Marie, n’aie pas peur. »
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Incipit :
Allongée sur le lit, je flotte dans un silence cotonneux.
Le soleil jaillit par la fenêtre, ricoche sur les poutres du plafond, éclabousse ma chambre d’une lumière de printemps. Je cligne doucement des yeux. Un à un, j’étire les doigts de mes mains, lourdes comme des pierres à mon bras. Mon corps, tout mon corps, a la mollesse d’une poupée de chiffon.
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