La guerre sans fin, tome 1 : Paria

A ma connaissance, Heinrich n'a jamais réellement servi sous le feu, et il a obtenu son poste par un mélange de marchandage politique et de lèche. Le commandement a cette sale manie : confier les boulots les plus importants aux gens les moins expérimentés. L'uniforme de Heinrich est saturé de médailles récompensant l'employé du mois et le lus chiant des PPEA - Putain de planqué de l'échelon arrière.

« Les terroristes ont subi des pertes eux aussi dans cette bataille, reprit Carmine. J’ai compté une dizaine de bâtiments sacrifiés. Huit ont joué les béliers contre la coque de cette foutue arche !
— Peut-être que ça ralentira la Spirale », suggéra Lopez.
Feng croisa les bras, les yeux rivés sur l’afficheur. « Nous ne savons toujours pas de quoi elle est réellement capable, murmura-t-il. C’est la grande inconnue.
— À mon avis, les terroristes ont un grand dessein, dis-je en me remémorant les derniers mots de Cooper à bord de l’arche. Et, bien sûr, Cooper est toujours dans la nature. »

Avant qu’elle ait terminé sa phrase, un faisceau de lumière transperce la verrière blindée du cockpit. Sans doute un tir de batterie laser. Il traverse la copilote, son siège puis le flanc du vaisseau.
J’ordonne : « Vérifiez que vos combis sont bien hermétiques ! »
Happée par l’air qui s’échappe, je suis projetée contre mon harnais de sécurité.
« On va s’écraser, annonce le pilote. Ici Lynx 6, paré pour l’extraction… »
À travers la verrière du cockpit, on voit le paysage tournoyer sans fin.
Je préviens : « Paré pour l’impact. On va passer aux choses sérieuses.

« Restez en position. »
Ma combi suit un obus à ma gauche, lancé en un arc de cercle paresseux. Une seconde après l’avertissement, il heurte la surface de l’astéroïde. L’impact donne naissance à une colonne de poussière et de shrapnel.
« Flanc droit, au pas de course. Servez-vous des PEV. »
Je me relève et actionne brièvement mon propulseur extravéhiculaire. Pour quelques instants, je vole à la surface de l’astéroïde, invisible grâce à mon champ de camouflage. J’atterris, roule sur le côté et m’aplatis au sol. Les Chacals m’imitent et parviennent à prendre de vitesse un autre obus de mortier – c’était moins une.

Je soupirai longuement. « Le sénateur t’a proposé un moyen de quitter la section ?
— Exactement. Il ne m’a pas contactée lui-même, mais de toute façon il ne le fait jamais. Il a des gens qui s’occupent de ça. » Elle eut un rire amer. « Son bureau m’a laissé des messages. Beaucoup de messages. On m’a promis, si ça m’intéressait, de m’obtenir un poste de PPEA dans les mondes centraux. »
PPEA, pour putain de planqué de l’échelon arrière. C’était un aspect de Lopez que je ne connaissais pas, que je n’avais pas perçu jusque-là.
« Tu as été tentée d’accepter sa proposition ?
— Non. Mais ça a l’air de vous étonner.
— Sans vouloir te vexer, Lopez, tu n’as pas caché le fait que tu n’avais pas envie d’appartenir à cette équipe…
— Je n’ai même pas répondu aux messages. »

« Le compensateur d’inertie est stable, commandante, dit Yukio. Nous approchons du périmètre de sécurité théorique.
— Très bien, très bien », marmonna Carmine. Elle était désormais seule maîtresse après Dieu de… pas grand-chose : un vaisseau qui ne tenait plus que par trois bouts de ficelles et un équipage qui comptait glorieusement quatre individus, elle-même incluse.
« Le périmètre de sécurité ? répéta Lopez.
— Je suis à peu près certaine que l’arche est sur le point de sauter, répondit Carmine en montrant l’holo. Ces salopards de la Spirale ont bien fait leur boulot. Regardez par vous-mêmes. »

-Hé, vous êtes des SimOps?
-En effet, répondis-je. Un beau gosse perspicace. En voilà un cocktail qu'on ne croise pas souvent.
-Une connasse qui fait de l'humour. C'est pas commun non plus, de nos jours. Alors, ca existe encore les SimOps?