AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de CeCedille


Dans l'Atlas des îles abandonnées de Judith Schalansky, (p. 50), l'île de Tristan da Cunha est assimilée à l'ile de Felsenbourg, célèbre utopie allemande du début du XVIIIème siècle. Certains auteurs savants -et allemands- en font en tous cas l'hypothèse (Arno Schmidt : Herrn Schnabels Spur. Vom Gesetz der Tristaniten, in Nachrichten von Büchern und Menschen, 1958 ) . Il est vrai que dans l'Atlantique sud, au delà du tropique du Capricorne, les terres émergées sont rares.

Mais, à la lecture, l'utopie proprement dite de Johann Gottfried Schnabel est de peu d'intérêt. Sur ce rocher, vrai ou supposé, où échouent des naufragés, se constitue une petite tribu autour d'un chef, dont l'autorité ne doit pas être discutée. Pour le reste, travail, famille et vertu règlent les comportements de chacun, parfaitement heureux de cultiver son jardin, au demeurant très productif. Les familles prospèrent et se dispersent, toutes occupées à combiner des mariages arrangés, sous l'autorité indiscutée du patriarche. Maigre épure, pauvre en idées, comparée à l'inventive société imaginée par Thomas More... deux siècles plus tôt !



L'intérêt du livre est plutôt dans l'art d'un récit rocambolesque, plein d'aventures et de rebondissements, successivement racontés par les différentes protagonistes qui se retrouveront à Felsenbourg. Les recettes du « page turner » y sont exploitées de toutes les manières : Des aventures maritimes, road-movie de l'époque, des robinsonnades successives, la concurrence des religions (le naufragé français catholique est la pire crapule, sans doute pour complaire à un public protestant). le sexe aussi est à l'honneur, accompagnant les aventures amoureuses, à la manière du divin marquis, dans la description complaisante des pires sévices. Bref, tous les ingrédients d'un succès populaire sans précédent, puisque, au dire de Michel Trémousa, postfacier de l'édition française, « en Allemagne au dix-huitième siècle, tout foyer même modeste possédait, parait-il, au moins deux livres : la Bible et L'ile de Felsenbourg ».

Curieux destin que celui de l'auteur, Johann Gottfried Schnabel, barbier et chirurgien militaire auprès du Prince Eugène de Savoie lors de la guerre de succession d'Espagne, dont on ne sait à peu près rien, sinon qu'il vécu modestement à Stolberg, à la cour – d'opérette - du châtelain du lieu, et qui ne dévoila jamais son identité d'écrivain. Il publia, toujours sous le pseudonyme de Gisander, un roman léger, à la manière de Boccace, avant de mourir à une date inconnue, entre 1750 et 1760. Ce n'est qu'en 1880 que des spécialistes de l'histoire littéraire dévoilèrent Schnabel derrière Gisander.
Lien : http://diacritiques.blogspot..
Commenter  J’apprécie          00







{* *}