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Critique de Sarindar


La méfiance nourrit la méfiance et le sang appelle le sang : sans doute est-ce l'une des raisons de regarder la longue querelle des Armagnacs et des Bourguignons (1407 - 1435) comme l'illustration de ce que peut avoir de néfaste une lutte fratricide qui, rendant les hommes, pris dans ce cycle de haine et dans ce fatal engrenage, pires que des bêtes féroces, peut changer toutes les destinées d'un pays, pour peu que les "frères ennemis" n'arrivent pas à retrouver les chemins de la discussion et de l'entente.

On aurait tort de croire que L Histoire ne se construit pas avec la passion des hommes, et de penser que cette histoire conflictuelle serait "anecdotique", même si elle semble relever parfois du simple fait divers : l'assassinat d'un représentant de l'un des clans en entraînant un autre, en riposte. En réalité, cette façon de considérer l'événement, même dramatique, comme un phénomène sans importance conduit à une mauvaise lecture de l'Histoire puisque de ces actes criminels où se lit la haine de l'autre sort souvent des mésententes qui peuvent s'étaler en longueur dans le temps et prendre des proportions largement démesurées.

Bertrand Schnerb, spécialiste de l'histoire de l'État bourguignon et de la description des rouages du pouvoir dans cet État, appelle ce conflit, qui éclata en novembre 1407 avec l'assassinat de Louis d'Orléans sur les ordres de Jean Sans Peur, duc de Bourgogne, et qui s'envenima avec la mise à mort de ce dernier, en représaille, en septembre 1419 sur le pont de Montereau, la "Maudite guerre".
Il a mille fois raison, car, outre que ce conflit divise les membres d'une même famille : les Orléans et les Bourguignons ont tous sang de Valois en leurs veines, depuis la création du nouvel État bourguignon par Philippe le Hardi, il se continue quand Bernard d'Armagnac relève le gant jeté à la face des Orléans et épouse la défense de leur cause contre Jean Sans Peur, fils et héritier de Philippe.

De cette guerre civile et ces divisions, les Anglais ont su profiter entre 1415 et 1429, pour narguer le roi de France, infliger une sévère défaite à son armée à Azincourt, conquérir la Normandie et lui imposer un traité de Troyes qui prévoyait, à terme, après la mort du pauvre roi Charles VI le Fou la prise de la couronne de France par le roi d'Angleterre, grâce à un mariage organisé entre Catherine de France et Henry V de Lancastre (on peut ici aller relire la pièce éponyme, Henry V, signée Shakespeare).

Il faudra toute la patience d'un Charles VII et d'un Philippe le Bon pour recoudre la tunique déchirée. le traité d'Arras, signé en 1435, mettra fin, après le passionnant épisode Jeanne d'Arc, à une guerre qui avait failli virer à la catastrophe.

Bertrand Schnerb donne ici une magistrale leçon d'Histoire. Il relate dans Les Armagnacs et les Bourguignons : La maudite guerre, tous les événements majeurs survenus durant ces années, mais accompagne ce rappel des faits d'une analyse de fond, où les enjeux et les risques nous apparaissent soudain en pleine lumière. Un véritable démontage de tous les mécanismes qui expliquent pourquoi les uns et les autres en étaient arrivés là. Et il ne faudrait pas prendre parti pour l'un ou l'autre camp, même rétrospectivement, car les torts furent amplement partagés, de même que les mauvaises intentions, les lourds intérêts, mais aussi les efforts pour combler ce fossé rempli de sang.

La paix fut retrouvée et chèrement acquise. Mais elle était fragile, et l'arrivée de nouveaux protagonistes, des deux côtés : Louis XI et Charles le Téméraire, allait le démontrer.

François Sarindar, auteur de : Jeanne d'Arc, une mission inachevé (2015)
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