AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Ys


Nous voici vers le milieu du XIXe siècle, dans les plaines d'Afrique du Sud. le soleil pèse comme du plomb sur la terre rouge désséchée où ne poussent guère que l'euphorbe et le figuier de Barbarie, où survivent comme ils peuvent quelques troupeaux de moutons. Une ferme s'est installée là, au pied d'une colline de pierres surgie du fond des âges, gérée d'une main de fer par une hollandaise à l'esprit lourd, au corps pesant.
Dans cette solitude immense, trois enfants apprennent peu à peu la vie. Il y a Em, petite blonde au visage ingrat, aux manières effacées, terne et bonne, qui passera toujours après tous les autres. Il y a Waldo, avec ses belles boucles brunes, jeune garçon assoiffé d'absolu qui verra bientôt basculer dans l'abîme toutes ses vieilles idoles. Et puis il y a Lyndall, la très belle, très impérieuse Lyndall, dont les yeux noirs font déjà plier plus fort qu'elle, prête à défier le monde entier pour gagner sa liberté.
Le temps file, les saisons, les années passent, quelques étrangers aussi, porteurs d'un peu de bien ou de beaucoup de mal. Les adultes comptent, mentent et meurent. Et les enfants grandissent, portés par des rêves qui sans cesse leur échappent, sans cesse se reforment, nourris de mille promesses confuses face au vertige inquiétant du vide.

C'est un roman magnifique que cette Nuit Africaine, qui offre à la lecture un rare mélange d'effervescence intellectuelle, d'exaltation spirituelle et de puissante sensibilité. Cela parle de la difficulté d'être au monde, de tous les mirages que les hommes s'inventent pour supporter d'exister, faire reculer le néant. de la beauté infinie de la nature et de la nécessité absolue de rêver. de la solitude, de la soif d'amour, du pouvoir de la volonté et de la condition féminine. Et cela en parle avec une fièvre contagieuse, dans un récit qui bouleverse les codes du roman, avance à grands bonds, recule, bouscule, s'apaise en lentes contemplations, emprunte à la magie mystique du poème en prose comme à la virulence du réquisitoire, à la satire et au conte. C'est drôle parfois, mais d'une drôlerie cruelle. C'est poignant, souvent, et fascinant de bout en bout.

"Un de ces livres très rares qui, comme Moby Dick, Jude l'Obscur ou Les Hauts de Hurlevent, peuvent changer la vie de leurs lecteurs, parce qu'ils les emportent jusqu'aux limites de l'esprit humain", en dit un jour Doris Lessing - et je suis bien d'accord avec elle. Je le découvre trop tard pour qu'il change ma vie, tout ce qu'il contient est déjà là, en moi, remué et retourné depuis longtemps déjà, mais les échos qu'il trouve en moi n'en sont pas moins profonds, pas moins vibrants. Un immense coup de coeur, en somme, pour ce qui est avant tout un très grand livre, reconnu comme tel Outre-Manche dès sa parution et bien injustement méconnu en France.

La préface de Michel le Bris rend en outre un bel hommage à l'auteur, personnalité aussi fascinante que son oeuvre dont je serais bien curieuse de lire une biographie.
Lien : http://ys-melmoth.livejourna..
Commenter  J’apprécie          110



Ont apprécié cette critique (8)voir plus




{* *}