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Critique de thimiroi


Ce livre très grand format est "le prolongement et l'approfondissement" d'une exposition qui s'est tenue à la Maison d'Ailleurs en Suisse.

Ces MONDES imPARFAITS, ce sont les utopies et les dystopies (la typographie du titre de l'ouvrage exprime la proximité entre utopies et dystopies, proximité qui semble a priori paradoxale), ainsi que les « cités obscures » de Peeters et Schuiten.

Le livre est composé de trois parties tout à fait passionnantes :

1) L'Utopie comme Icare, par François Rosset
L'auteur nous décrit le développement de la littérature utopique depuis la parution de l'Utopia de Thomas More en 1516.
Dès ses origines, le récit utopique est à la fois critique d'une société à travers ses imperfections et représentation d'une société idéale dont l'organisation aurait remédié aux imperfections en question.
Mais François Rosset nous montre aussi que l'utopie semble vouée à se dégrader inéluctablement en dystopie dans ces ouvrages (le titre de l'essai, "L'utopie comme Icare", se réfère à la fois au fils de Dédale et aux Icariens de Cabet pour évoquer cette « chute » des utopies) : « Mais partout le bonheur collectif tourne au désastre, soit parce que les individus ne supportent pas de se soumettre aux lois de la communauté qui étouffent leurs aspirations personnelles, soit parce que les gouvernants finissent par abuser de leur pouvoir, soit parce que les voisins belliqueux sont toujours plus enclins à détruire et à piller qu'à s'intégrer dans le périmètre vertueux de l'utopie ».
Et l'auteur de mentionner différentes tentatives pour réaliser concrètement certaines utopies, tentatives qui ont échoué ; mais il me semble qu'on pourrait aussi trouver quelques contre-exemples, notamment les Amish (évoqués récemment par Macron !), dont les communautés religieuses qui perdurent présentent un certain nombre de similitudes avec les communautés utopiques...

2) La dystopie ou l'art de raconter l'utopie, par Marc Atallah
Marc Atallah reprend la réflexion de François Rosset en proposant la formule synthétique suivante : « l'utopie décrit un « bonheur collectif », la dystopie raconte le malheur des habitants qui vivent en utopie ».
Si on peut considérer que cette formule est valable pour un grand nombre d'utopies, peut-on vraiment la généraliser à toutes les utopies ?
Je prendrai comme contre-exemple La Vague montante (1955) de Marion Zimmer Bradley, une remarquable novella maintes fois rééditée : des humains en provenance de Terre II, une lointaine colonie extraterrestre, reviennent sur Terre ; la civilisation industrielle s'est effondrée (l'auteure ne donne pas beaucoup de détails sur les circonstances de cet effondrement) et a été remplacée par un ensemble de petites communautés qui sont autant d'utopies rurales, solidaires et libertaires ; les hommes de Terre II s'adaptent facilement à ce nouvel environnement, très proche d'ailleurs de celui qu'ils ont connu sur leur monde d'origine, et semblent y trouver le bonheur, à l'exception d'un des personnages qui a la nostalgie de l'expansion humaine dans les étoiles...
La suite de l'essai de Marc Atallah concerne les nombreuses dystopies qui se rattachent à la science-fiction, que ce soit dans le domaine de la littérature, du cinéma ou même de la bande dessinée.

3) Entre utopie et dystopie : entretien avec Benoît Peeters et François Schuiten par Marc Atallah
Cet entretien porte sur la nature des cités obscures (utopies ou dystopies ?), sur les créateurs qui ont influencé les deux auteurs (Le Corbusier pour la représentation d'architectures monumentales dans les cités obscures, les écrivains Jules Verne, Albert Robida…), sur leur manière de travailler...
Cet entretien invite évidemment le lecteur à (re)lire les magnifiques albums des deux auteurs.

Il faut aussi saluer le travail de Frédéric Jaccaud dans le choix de l'iconographie, car ces essais et cet entretien sont remarquablement illustrés : couvertures de pulps américains représentant des cités imaginaires (y compris des cités extraterrestres !), affiches et photos de films, dessins rares ou inédits de François Schuiten souvent en peine page...

Un grand merci à Babelio et aux éditions Les Impressions Nouvelles-Maison d'Ailleurs pour l'envoi de ce très beau livre.
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