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Critique de jmb33320


« Aussi bien, en transcrivant ces récits, en ordonnant ces histoires dont mon père est le héros dans la marge rongée du texte, ne caressons-nous pas l'espoir secret de les voir s'intégrer un jour imperceptiblement aux pages jaunies de ce livre des livres qui lentement se disloque, de les voir participer au grand bruissement de ses pages qui les engloutira ? ».

Si le personnage d'un père est effectivement présent dans la plupart des textes qui composent ce recueil de nouvelles, il n'a pourtant rien d'un héros. Souffreteux, il hante ses appartements aux multiples pièces, à l'affut de tout ce qui s'y passe. Ses sens sont aiguisés et il lui arrive même de converser avec Dieu…

Le « je » de la narration est mené par un fils éternel, qui lui aussi ne quitte pas souvent ce lieu. La mère est absente, occupée par le magasin de tissus qui les fait vivre, située dans la campagne austro-hongroise.

Le plus remarquable dans ces textes, c'est un style à nul autre pareil. La narration part dans tous les sens, entre rêves et excroissances tout à fait baroques. le corporel se mêle au végétal, comme dans la première nouvelle « Août », qui m'a véritablement saisi : « L'enchevêtrement touffu des herbes folles et des chardons brûle en crépitant dans le feu de l'après-midi. La sieste paresseuse du jardin bourdonne du vacarme des mouches. Les chaumes dorés hurlent au soleil comme une nuée de sauterelles rousses, les grillons s'égosillent dans la pluie ruisselante du feu, les siliques pleines de graines explosent discrètement avec un bruit de cigales. »

Bruno Schulz a vécu presque toute sa vie dans cette petite ville de Drohobycz, alors dépendante de l'Autriche-Hongrie, aujourd'hui situé en Ukraine, près de Lviv. Les textes de ce recueil ne sortent pas de nulle part : malgré leur étrangeté ils sont proches de ce qu'il a vécu. On peut dire qu'il a rêvé sa vie, plus qu'il ne l'a vécue. Il est mort en 1942, à l'âge de 50 ans, dans le ghetto de Drohobycz, assassiné par la Gestapo.

Il est tentant de la rapprocher de Franz Kafka, en raison d'origines juives communes et d'un rapport au père compliqué. C'est une fausse piste. le style de Schulz est beaucoup plus fleuri, exubérant. Ce recueil comporte une préface et des annexes dont on peut se passer : après avoir lu ce livre, je ne suis pas du tout convaincu par l'analyse faite par Arthur Sandauer, qui a connu l'auteur.

Franchement ces textes puissants se suffisent à eux-mêmes dans toute leur étrangeté.
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