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Bruno Schulz est un écrivain singulier. Il nous fait entrer dans un monde étrange et désordonné. Sa voix est celle d'un poète à la fois tendre et tourmenté. Bruno Schulz est né à la fin du XIXe siècle à Drohobycz, un gros bourg de Galicie, aujourd'hui en Ukraine. Dans " les boutiques de cannelle", au commerce équivoque, tout tourne autour de cette ville ensorcelante, que Bruno Shulz semble n'avoir jamais quittée, et de la maison familiale, perçue à travers l'imagination d'un enfant.
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Les boutiques de cannelle, c'est un recueil de nouvelles mais il pourrait facilement constituer un roman. C'est que l'auteur, Bruno Schulz, fait revivre une année de son enfance à travers des souvenirs épars. Chaque nouvelle met l'accent sur un élément ou un thème en particulier mais l'ensemble suit une logique quelconque (à défaut d'être chronologique). Mais est-ce complètement autobiographique ? Sa biographie va en ce sens mais le jeune narrateur se fait habituellement appeler Joseph et je n'ai pas réussi à résoudre cette énigme.

Dans tous les cas, tout y passe. On découvre son père Jacob, sa mère, sa fratrie, la fidèle servante Adèle ainsi que les pensionnaires des innombrables chambres dans l'édifice que la famille possède. En effet, le père tient une boutique, non pas de cannelle mais de draps et de tissus, qui donne sur la place du marché dans une petite ville de province, Drohobycz. (Bien que ses habitants soient Polonais, la ville et toute la région de Galicie faisaient alors partie de l'empire austro-hongrois.)

Tout ce beau monde mène une vie bourgeoise au début du 20e siècle. Toutefois, avec le temps, les promenades à la campagne se font de plus en plus rares et les visites tout autant. Alors, le père se lance dans des improvisations de plus en plus fréquentes. Il lance des sermons à droite et à gauche, à ses enfants, aux pensionnaires, aux clients et même à des passants sur la place du marché. Mais il sait aussi raconter de belles histoires, mélanger le réel et l'irréel. Son imagination captive les enfants mais quelque chose semble clocher.

En effet, tout cela n'est qu'un jeu pour les petits mais, au fur et à mesure que les nouvelles se succèdent, ces sermons et ces histoires qui égayaient se transforment en obsessions incohérentes, effrayantes. Il devient alors évident pour le narrateur (et le lecteur) que la santé mentale du père se dégrade. La folie le guette. L'univers de la petite ville de province se transforme subtilement en un cauchemar labyrinthique.

Ainsi, à travers les yeux du jeune narrateur, on vit la chute du père (et du dieu qu'il représente pour un garçon), la fin de l'enfance mais sans jamais tomber dans le larmoiement. Et tout n'est pas sombre, les mauvais moments sont toujours entrecoupés de meilleurs. Joseph va acheter des confiseries dans le nouveau quartier et découvre le tramway, son frère rapporte un train électroaimant, ils observent une comète dans le ciel, etc.

Je ne peux pas dire que le recueil Les boutiques de cannelle m'ait grandement marqué mais je suis content de l'avoir lu. C'est un recueil agréable à lire. Il donne un aperçu de ce à quoi pouvait ressembler la vie d'un garçon à cette époque, juste avant la Grande Guerre. C'est un témoignage d'une époque révolue…
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« Aussi bien, en transcrivant ces récits, en ordonnant ces histoires dont mon père est le héros dans la marge rongée du texte, ne caressons-nous pas l'espoir secret de les voir s'intégrer un jour imperceptiblement aux pages jaunies de ce livre des livres qui lentement se disloque, de les voir participer au grand bruissement de ses pages qui les engloutira ? ».

Si le personnage d'un père est effectivement présent dans la plupart des textes qui composent ce recueil de nouvelles, il n'a pourtant rien d'un héros. Souffreteux, il hante ses appartements aux multiples pièces, à l'affut de tout ce qui s'y passe. Ses sens sont aiguisés et il lui arrive même de converser avec Dieu…

Le « je » de la narration est mené par un fils éternel, qui lui aussi ne quitte pas souvent ce lieu. La mère est absente, occupée par le magasin de tissus qui les fait vivre, située dans la campagne austro-hongroise.

Le plus remarquable dans ces textes, c'est un style à nul autre pareil. La narration part dans tous les sens, entre rêves et excroissances tout à fait baroques. le corporel se mêle au végétal, comme dans la première nouvelle « Août », qui m'a véritablement saisi : « L'enchevêtrement touffu des herbes folles et des chardons brûle en crépitant dans le feu de l'après-midi. La sieste paresseuse du jardin bourdonne du vacarme des mouches. Les chaumes dorés hurlent au soleil comme une nuée de sauterelles rousses, les grillons s'égosillent dans la pluie ruisselante du feu, les siliques pleines de graines explosent discrètement avec un bruit de cigales. »

Bruno Schulz a vécu presque toute sa vie dans cette petite ville de Drohobycz, alors dépendante de l'Autriche-Hongrie, aujourd'hui situé en Ukraine, près de Lviv. Les textes de ce recueil ne sortent pas de nulle part : malgré leur étrangeté ils sont proches de ce qu'il a vécu. On peut dire qu'il a rêvé sa vie, plus qu'il ne l'a vécue. Il est mort en 1942, à l'âge de 50 ans, dans le ghetto de Drohobycz, assassiné par la Gestapo.

Il est tentant de la rapprocher de Franz Kafka, en raison d'origines juives communes et d'un rapport au père compliqué. C'est une fausse piste. le style de Schulz est beaucoup plus fleuri, exubérant. Ce recueil comporte une préface et des annexes dont on peut se passer : après avoir lu ce livre, je ne suis pas du tout convaincu par l'analyse faite par Arthur Sandauer, qui a connu l'auteur.

Franchement ces textes puissants se suffisent à eux-mêmes dans toute leur étrangeté.
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Par la magie de l'écriture, une morne ville polonaise provinciale du début du XXème siècle devient un univers extraordinaire, parcouru de révolutions mystiques, élémentaires et astrales. C'est une cosmogonie qui est mise en mouvement par le mécanisme d'un style particulièrement travaillé, surchargé de figures de style. Tout devient métaphore, tout devient allégorie, tout devient signe, et signe de signe ; si bien que les signifiés se perdent parfois dans ces arabesques sans fin, et que l'on se demande même s'ils ont jamais existé. La nuit et le vent confèrent un caractère démesuré et inquiétant à ce monde observé à hauteur d'enfant, où la figure du père joue le rôle de démiurge impotent, parfois emporté par les métamorphoses incessantes de son monde empli de colifichets, de tissus chamarrés et d'oiseaux (empaillés ?).

Ces thèmes amènent des comparaisons entre Schulz et Kafka, mais leurs styles ne pourraient guère être plus opposés, tant la simplicité du deuxième diverge de la complexité baroque du premier. Les mots de Schulz deviennent parfois assourdissants à force d'hyperboles proches de l'hystérie, quoique celles-ci aient la propriété d'être toujours observées à distance sur un ample espace-temps, et ce malgré la focalisation narrative interne. Comme si au point de vue de l'enfant se superposait le point de vue d'un autre démiurge, celui de l'écrivain qui joue à recolorer cette enfance et à la parodier tendrement. Cela confère à l'ensemble une curieuse langueur, aussi tapageur puisse-t-il être. La ville semble être peuplée de mannequins et d'automates, rejouant artificiellement l'envers du monde éveillé. Avec Bruno Schulz le rêve est chose publique, car ses rêves mettent en scène le peuple d'une cité, qui tout entier devient l'objet d'une dérive onirique. C'est donc tout naturellement que les Boutiques de Cannelle se changent en la République des Rêves, peuplée de lecteurs capable de prendre les métaphores de Bruno Schulz « au pied de la lettre », de croire que l'imagination puisse bâtir une vi(ll)e meilleure grâce aux mythes enfouis dans les mots et éveillés par la littérature.

Je ne vois guère d'équivalent à l'écriture de Bruno Schulz, à part peut-être celle du Mandelstam du Timbre égyptien, qui est une possible influence. Les comparaisons s'avèrent tout aussi hasardeuses avec ses amis Gombrowicz et Witkiewicz. Des bribes de correspondance entre les trois hommes closent le recueil. Schulz éclaire sa conception de l'art comme mythologie personnelle, et adresse une réponse-fleuve aux provocations coutumières de Gombrowicz, un des plus beaux exemples d'amitié artistique que j'aie rencontrés, plaçant l'autre face à ses limites et ses possibilités dans un échange d'une franchise rare. Une personnalité et une voix importantes dans l'histoire de la littérature, malgré une oeuvre avortée par les horreurs du XXème siècle.
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Ce livre marque ma toute première incursion dans la littérature polonaise, mais sans doute pas la dernière.

Curieux recueil que ses "boutiques de cannelle". J'ai cru au départ que c'était un recueil de nouvelles - il y a un peu de cela sans doute, mais les récits se suivent, impossible de picorer un texte de ci de là comme un vrai recueil de nouvelles. La temporalité du récit n'est d'ailleurs pas très facile à suivre. le texte "les boutiques de cannelle" illustrent d'ailleurs ce soucis de temporalité, car tout se passe en une soirée, mais à cause des flash-back du narrateur, je ne savais plus très bien quand j'étais, ni où j'étais. Pour ce dernier point, lui non plus, et cela lui était égal.
Ensuite, le ton est assez particulier. Les descriptions sont très belles, très riches, mais j'avais l'impression d'osciller constamment entre réalisme et fantastique. le réalisme est celui de la vie quotidienne de cette famille, entre le père, omniprésent, la mère, Adèle, la servante capable de mener le père à la baguette, Poldine et Pauline, les ouvrières. Pourtant, très vite, le moindre fait prend une autre dimension, difficilement explicable. Je ne pourrai que le comparer à La métamorphose de Kafka, si ce n'est que ce sont les choses qui prennent vie, et les êtres humains qui se réifient.
Je ne puis m'empêcher de chercher un symbolisme caché dans ce texte. La fin du roman boucle la boucle et clôt les aspirations (scientifiques ? artistiques ? créatrices ?) du père, à cause des réactions pragmatiques et cruelles des autres personnages. La réalité reprend ses droits face à ses fantasmagories, et le créateur est étouffé. Tel père, tel fils : l'imagination du narrateur est sans limite, préférant une réification de son père aux explications prosaïques de sa mère, mettant en mots ce que le père n'a pu créer.
Lien : http://le.blog.de.sharon.ove..
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Ce n'est pas vraiment une critique de « Les Boutiques de cannelle » parce que
1) elle est basée sur le texte anglais,
2) le texte est de Jonathan Safran Foer, également en anglais.
3) c'est intraduisible (vous verrez pourquoi)
ceci dit c'est un ouvrage littéraire remarquable.

Bon tout cela pour en arriver là où je voulais aller. Jonathan Safran Foer est un fervent lecteur, en particulier de Bruno Schultz. Ce dernier, assassiné dans la rue par un officier SS, est l'auteur de nouvelles, dont «Sklepy cynamonowe » qui sera traduit en anglais et dont l'une des nouvelles « Les Boutiques de cannelle » se passe dans « La rue des Crocrodiles ». Pourquoi cette longue introduction. C'est que le titre anglais « The Street of Crocrodiles » va servir de base pour un livre assez étonnant de Jonathan Safran Foer. En effet de « The Street of Crocodiles» de Bruno Schulz, il en tire le titre « The Street of Crocodiles» par suppression de lettres soit « Tree of Codes » (L'Arbre des Codes). Et il le publie (10, Visual Editions, 142 p.). Il procède ainsi sur tout le texte. Je vous invite, soit à l'acheter car c'est un superbe travail d'impression et d'édition, soit à regarder sur le site de l'éditeur le processus de fabrication (http://visual-editions.com/tree-of-codes-by-jonathan-safran-foer ). C'est en effet un nouveau livre, dont l'histoire se tient, et qui se lit, bien entendu plus vite que l'original. C'est normal, les passages coupés forment des vides, et de la première page, il ne reste pratiquement rien. Et le tout reste parfaitement sensé et lisible « Only now do I understand the war against the lost cause of empty hours, of empty days and nights.», «Our city is reduced to the tree of codes». Certaines sont carrément très poétiques. «Perhaps the spaces suggested by the wind did not exist.» ou bien «The landscape of folded material obscured the shapeless mob without face or individuality. », «The earth was covered with a tablecloth of winter. »

Bonne lecture pour les curieux.
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Bruno Schulz, auteur polonais, mort sous les balles nazies, en 1942, a écrit un roman autobiographique, très descriptif.
Les deux personnages centraux de ce tableau sombre et tourmenté :
Drohobycz, bourgade natale de l' écrivain, située aux confins de la Pologne
et, le père, marchand drapier, fantasmagorique et .obsessionnel .
Entre métamorphose et angoisse, fantasme et noirceur, la narration paraît touffue.
si quelques pages rappellent Kafka et certaines scènes « Le petit monde de la rue Krochmalna »d.Isaac Bashevis Singer.
L' auteur n'a, pour moi, ni le génie du premier, ni le talent du second.
Le style luxuriant , l'oeuvre complexe et baroque m' ont déçue.

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