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Critique de hcdahlem


«Dans cet autre Finistère»

Ann Scott a amplement mérité son Prix Renaudot avec ce roman d'une rare élégance qui suit l'installation d'une compositrice de musique en Bretagne. À l'approche de la cinquantaine, elle laisse ses proches et sa vie bien rangée pour une vie solitaire, recentrée sur l'essentiel.

Trente ans séparent les deux premiers chapitres de cette histoire. Dans le premier, une jeune fille part à New York s'acheter une guitare qu'elle va se faire voler avec sa valise. Son billet d'avion, resté dans la poche de son jean, va lui permettre de se faire faire des papiers provisoires et de rentrer chez elle.
Dans le second, à l'approche de la cinquantaine, elle repart en voyage. Elle quitte Paris pour aller s'installer dans une maison au bord de l'océan, dans un village du Finistère. Une maison où elle imagine dès son arrivée, qu'elle va se sentir bien. En entendant ses meubles et la visite du propriétaire, elle commence à apprivoiser son nouvel espace, essaie de faire du feu, se promène pieds-nus sur la plage. Mais elle ne peut se départir d'un sentiment de culpabilité à chaque fois que son portable sonne et qu'elle se rend compte qu'elle ne reverra sans doute plus nombre de ses amis et connaissances, à commencer par Jean. "Elle sait que ce qu'elle a fait est impardonnable. Ça n'existe pas de passer de meilleure amie à petite amie au bout de quinze ans. Quand quelqu'un confesse brusquement qu'il est amoureux depuis le début et qu'il a besoin de couper les ponts parce qu'il n'arrive plus à gérer, faut le laisser partir, pas envisager la chose pour le retenir. Même si le mail qu'on reçoit est sublime. Même si personne ne nous avait encore jamais rien dit d'aussi beau, d'aussi habité, d'aussi définitif."
Puis, pendant trois ans environ, il y a eu Lou. Des mois à se chercher et à se rapprocher et des mois à hésiter, Lou ne voulant pas tromper son amie. Puis la force du désir, l'envie de se toucher, se sentir et se prendre, malgré la peur, malgré ce malaise qui signait pourtant la fin d'une relation avant qu'elle ne commence.
Alex essaie de l'oublier dans ce coin perdu de Bretagne où elle s'installe maintenant que les déménageurs sont passés et qu'elle va pouvoir installer son studio. Mais avant, il y a des dizaines de cartons à vider. "Mais comment les déballer sans qu'une chose ou une autre lui fasse penser à Jean. Ou à Lou."
Avec le temps, elle va pourtant finir par prendre ses marques, même si, "à ce stade elle ne sait toujours pas si elle est venue ici pour se sentir en sécurité ou se mettre en danger, mais si elle veut danser toute seule au milieu du salon à trois heures du matin sur Losing My Religion à fond, elle peut.
À propos de danger, un homme croisé près de chez elle accapare ses pensées. Et réciproquement. Cabossé par la vie, il se dit que cette femme pourrait bien être celle avec laquelle il pourrait remonter la pente.
Découpé en trois parties, le roman va alors verser dans l'introspection, un peu comme le monde qui découvre avec la covid et le confinement de nouvelles raisons de s'interroger.
Ann Scott réussit à merveille à rendre cette atmosphère particulière, un peu suspendue, qui régnait alors. Et qui bousculera bien des certitudes, remettant en cause des vies trop formatées, trop artificielles. le choix d'Alex d'aller se ressourcer en Bretagne n'était-il pas prémonitoire? Si elle est loin d'avoir trouvé les réponses qu'elle cherchait, elle a déjà trouvé un chemin pendant que d'autres errent toujours. Un roman à lire avec L'autre Finistère en bande-sonore:
Il est un estuaire
Un long fleuve de soupirs
Où l'eau mêle nos mystères
Et nos belles différences
J'y apprendrai à me taire
Et tes larmes, retenir
Dans cet autre Finistère
Aux longues plages de silence


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