Ce regard, je le connais.
Ce regard, je l'ai déjà vu.
Ce regard, c'est celui qui m'obsède lorsque je ferme mes paupières et que je me laisse envahir par tout ce blanc pulsant d'un battement chaud et régulier.
Ce regard.
Il me terrifie.
C’est peut-être ça mourir : se moquer du tout, penser que rien n’est grave. Laisser aller, laisser tomber. Et renoncer.
Ce.
Ma poitrine se soulève de manière frénétique…
N'est.
... comme si la mécanique de mes poumons déraillait…
Pas.
... s'emballait au rythme de mon cœur …
Ma.
... qui cogne, qui cogne...
Chambre.
... à en faire mal.
Comment est-il possible qu’elles ne se réveillent pas ? Et, surtout, qui sont ces gens ? Que nous veulent-ils ? Pourquoi… Pourquoi font-ils tout ça ?
Tout à coup, je sens qu’elle arrive. La peur.
Elles tentent de comprendre. De donner du sens. Sans doute un mécanisme de défense bien naturel est-il à l’oeuvre : rationaliser pour ne pas perdre pied, ne pas sombrer dans la folie.
Tapie dans l'ombre, elle me guettait, murmurant avec douceur, me narguant, comme un charognard qui n'oserait s'attaquer à sa proie que lorsqu'il la sent suffisamment faible. Mais elle a pris en assurance, son murmure devient un grondement sourd qui roule à mes oreilles, qui bat contre mes tempes. Elle se jette sur moi alors, me prend à la gorge et serre
Peut-être que si je ferme les paupières très fort, tout cela cessera ? Peut-être que si je me pince, je pourrai m’extraire de ce cauchemar ?
"Cette douleur que tu ressens, cette blessure , elle va s'apaiser, tu verras. Elle sera toujours là, bien sûr, mais elle deviendra supportable. Nous sommes ainsi faits, nous, les êtres humains, nous sommes tenaces. Nous résistons, nous luttons, nous nous accrochons et nous nous reconstruisons (...)" p.137
Mira a fait danser son archet sur son violon pendant plus d’une heure. Je l’ai observée un long moment, fascinée : elle me semblait transfigurée. Belle dans son abandon total à la musique, elle affichait une sérénité que je ne lui avais jamais vue jusqu’alors. Comme si son instrument avait le pouvoir de la transporter ailleurs, loin d’ici, loin de ce lieu sinistre.
Je crois qu’avec son violon, Mira a parlé plus que n’importe laquelle d’entre nous.
Ils ont oublié que soigner un symptôme ne suffit pas à guérir un malade.