Il n''est nulle question de nature. Il est question de courage. Il a eu tous les courages. Braver la Gestapo, soutenir, un des premiers, la cause des Noirs, aider à la création de l'Etat Juif, braver le FBI, ne pas baisser l'échine, ne jamais renoncer, écrire à Roosevelt pour construire la bombe contre l'Allemagne et écrire à Roosevelt pour arrêter la bombe destinée au Japon. Soutenir les Juifs opprimés par les Reich. Pétitionner. Etre en première ligne. Mais aller voir son fils est au-dessus de ses forces. Il a trouvé ses limites. Seul l'univers ne connaît pas de limites.
Elle peine à croire que ce long défilé de semaines et de mois aura été sa vie.
Nous sommes la projection d'infinis fantasmes. Chacun possède un avis sur qui nous sommes et qui nous devrions être. Nos vies s'inscrivent dans le regard des autres.
Peut-être suis-je seul dans l'univers ? Et si toutes mes perceptions ne sont qu'hallucinations, peut-être que l'univers lui-même n'existe pas ? Peut-être ne suis-je moi-même que le produit de mon imagination ?
Il vivait dans l'illusion d'être sans attaches.
Il sait que sa douleur n'est pas féconde. Il a figé en lui l'éternel chagrin. Il arbore toujours ce joyeux masque de pierre, ce sourire immuable, et ces yeux rieurs où l'on croit deviner la marque du bonheur. Il enterre les mauvais souvenirs, change l'amertume et la désolation en frivolité, recouvre ses drames sous son humour grinçant, cette ironie facile dont le monde est si friand, à laquelle il s'abandonne avec tant de délices.
L'éphémère est notre état premier.
L'irréversibilité est la clé de toute douleur.
Si je devais en croire certaines autorités, rien de ce que je vois n'a de réalité. Mais les gens qui prononcent de telles assertions existent-ils vraiment ?
Un homme en chute libre n'a pas conscience de son corps, ni de la vitesse des corps qui l'entourent.