…c’était celle de la plupart des prostituées à Bangkok. Des filles de la campagne qui venaient en ville avec l’espoir de décrocher un emploi stable et de gagner suffisamment d’argent pour subvenir aux besoins de leur famille restée au village. Il ne leur fallait généralement que quelques semaines pour découvrir l’envers du décor et il était déjà trop tard.
Rien ne sèche plus rapidement qu’une larme.
Il se demanda s’il en était de même avec le sang.
Krung Thep, la cité des anges – sauf que les anges avaient méchamment morflé.
Bangkok était devenu en quelques dizaines d’années une véritable boîte de Pandore, un puits de luxure, une zone franche où l’on pouvait assouvir à peu près tous ses fantasmes servis sur un plateau d’argent avec des kilos de drogue et d’alcool en prime.
C’est un officier réputé pour son efficacité sur le terrain. Il est de ses hommes, notamment du sergent Chaiyon avec qui il a braqué notre marchandise. Il semble avoir la main sur quelques restaurants, des joueurs et des dealers qu’il rackette en échange de sa protection. Plus quelques détournements occasionnels, de petites saisies de drogue ou d’armes.
Il encaissa le premier coup de pied en grognant de douleur sans baisser sa garde. Le garçon en décocha un autre, puis un autre. Petchaï le laissa s’épuiser. Il encaissa, encore et encore, jusqu’à ce qu’il sente ses frappes devenir moins puissantes. Alors, il passa à l’offensive.
Patpong concentrait tout ce que cette ville pouvait offrir en échange de quelques billets. Du sexe, de l'alcool, de la drogue. De la solitude aussi. Mais de l'amour, Petchaï n'en avait pas vu la moindre trace ici. La rue se résumait à un condensé de lumières, de bruits et d'odeurs. Un remugle de tabacs et d'ordures, de relents de bière et d'eaux de toilette bon marché. Sous ses atours exubérants et ses sourires forcés, ce quartier exhalait une tristesse infinie.
Tu débarques ici avec tes principes et ta morale immaculée mais, crois moi, ça ne va pas durer. La réalité de la rue va te rattraper et te forcer à la regarder dans le blanc des yeux. Et tu risques de ne pas aimer ce que tu vas y voir.