C’est cinq heures, tu dirais, le thé. Dix-sept heures.
Ta lettre de pain tendre, douce comme le beurre, sage comme le sel.
Et la lumière sur la mer trop verte et bleue
Et la lumière sur Gorée, sur l’Afrique noire blanche mais rouge.
Il y a – pourquoi le Dimanche ? – la guirlande des bateaux blancs
Vers les rivières du Sud, vers les fjords du Grand Nord.
Ta lettre telle une aile, claire parmi les mouettes voiliers.
Il fait beau, il fait triste.
Il y a Gorée, où saigne mon cœur mes cœurs.
La maison rouge à droite, brique sur le basalte
La maison rouge du milieu, petite, entre deux gouffres d’ombre et de lumière
Il y a ah ! la haute maison rouge, où saigne si frais mon amour, comme un gouffre
Sans fond. Là-bas à gauche au nord, le fort d’Estrées
Couleur de sang caillé d’angoisse.
Et pourquoi vivre si l'on ne danse l'Autre ?
ET LE SURSAUT SOUDAIN
Et le sursaut soudain, sous le bruit frais sous le coup de poignard.
J'erre tournant, possédé comme les phalènes, autour de la lampe tempête
Me brûlant les ailes de l'âme au chant sirène de tes lettres.
Et me voici déchiré calciné, entre la peur de la mort et l'épouvante de vivre.
...
Oui Seigneur, pardonne à la France qui dit bien la voie droite et chemine par les sentiers obliques.
LES LÉGIONS
Des légions d’ailes fauves se sont abattues
Sur moi, dru,
En bataillons serrés.
Des légions de sauterelles
Ont dévasté le jardin
De mon bonheur païen.
Une brume magicienne
L’avait refleuri de l’eau de sa rosée
Quand l’incendie de brousse
Passa consumant tout.
Une mélopée parfois,
Un cœur sauvage le soir
Jaillit du fond de mon enfance
Et tombe ruisselant.
Par fois une pensé fille de mon amour
Me verse quelques gouttes fraîches.
Et je marche en ma saison sèche, barrissant
Aux fleuves débordés d’un hivernage enivrant.
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