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Critique de clesbibliofeel


Je suis ravi de découvrir enfin la première publication de ce grand écrivain chilien disparu en avril 2020, il y a tout juste deux ans. le thème central du récit, la confrontation de l'homme et de la nature, avec son lot de destruction, est de plus en plus d'actualité... ou devrait l'être au vu des risques climatiques qui pèsent sur le devenir de l'homme.

J'ai envie d'insister sur la forme littéraire remarquable adoptée par l'auteur qui, personnellement, m'a évoqué l'esthétique du western. J'avoue avoir eu un faible dans ma jeunesse pour ces films, ces livres, où un héros solitaire parvient à s'imposer, grâce à son intelligence, à son courage, face à des forces injustes et plus nombreuses...

Les colons sont là, établis à El Idilio, sur le rivage du fleuve Nangaritza dans les profondeurs de la forêt amazonienne. Ils vivent à côté des Shuars, peuple hautain et orgueilleux et de chercheurs d'or... et des jivaros, rejetés par les Shuars car trop proches des gringos...

Le récit commence par une magistrale scène de présentation de tout ce microcosme avec l'arrivée du docteur Loachamin, une forte figure. C'est lui qui va approvisionner le personnage principal, Antonio José Bolivar, en romans d'amour. Il vient deux fois par an pour des extractions dentaires que je ne souhaite à personne, rappelant les extractions de balles dans les westerns sous le seul anesthésique du whisky. Ici, c'est l' « aguardiente Frontera » qui aide à supporter et est sensé désinfecter.

La loi est représentée par le maire, autorité suprême dans ces contrées lointaines, surnommé inamicalement « Limace » à cause de sa transpiration abondante. C'est une espèce de shérif, au passé douteux, ne répugnant pas à se faire appeler « Excellence ». Quant à la loyauté elle est selon ses intérêts. Il apporte au récit, une bonne dose d'humour... A ses dépens.

Le héros solitaire de ce western détourné, avec ses figures féminines archétypiques, est un homme meurtri par la vie suite à une histoire d'amour malheureuse avec la belle au nom long comme le fleuve tropical, Dolores Encarnacion del Santisimo Sacramento Estupian Otavalo... Voici pourquoi Antonio José Bolivar va lire des romans d'amour, de ceux qui finissent mal.

Antonio va devoir sortir de ses lectures lorsque ses amis Shuars sont injustement accusés d'un meurtre. Ayant appris à survivre dans la forêt au contact de cette population indigène dont il a partagé le quotidien, il a vite compris qu'un fauve pris de folie est à l'origine de la mort du chasseur blanc.

L'affrontement final entre le héros et la bête rendue folle par la faute des chasseurs est à la hauteur de ce chef-d'oeuvre magnifiant l'amour de la nature. le plaidoyer est habile : faute de connaître et respecter celle-ci, elle se venge et cause la perte des hommes. Un équilibre est à chercher et pour le trouver il est nécessaire d'apprendre à l'écouter et la comprendre. Sorti en 1992, ce livre éclaire l'actualité alors que l'Amazonie est de plus en plus meurtrie par une déforestation absurde, conduisant à la disparition des hommes qui savent vivre en harmonie avec l'environnement non-humain et dont on aurait de plus en plus besoin, crime maintenant qualifié d'écocide...

Luis Sepulveda dédie son livre à son ami Chico Mendes, grand défenseur de la forêt amazonienne, assassiné pour ses idéaux en 1988.

Antonio José Bolivar, le vieux qui lisait des romans d'amour, lit à son rythme. C'est un homme simple, peu cultivé, ayant découvert que la lecture lui permet de s'échapper d'un monde jugé barbare.

Un livre sur le plaisir de la lecture, un roman truculent qui a révélé immédiatement son auteur avec une diffusion mondiale et plusieurs prix. Il est à l'origine d'une oeuvre forte en relation avec l'histoire du 20ème siècle. J'avais aimé « Un nom de torero », à la narration proche du roman policier.

Luis Sepulveda a eu une vie bien remplie. Il a connu l'exil du Chili après le coup d'état du général Pinochet en 1973, impliqué directement car membre de la garde personnelle de Salvatore Allende, la GAP, dont bien peu avait survécu à l'arrivée du terrible dictateur qui l'avait condamné à 28 ans de prison. Libéré en 1977, grâce à l'intervention d'Amnesty International, il s'était exilé en Équateur, au Pérou et en Colombie et s'était investi dans le théâtre tout en poursuivant son engagement auprès de mouvements révolutionnaires.

En 1978, il passe un an avec des indiens d'Amazonie dans le cadre d'une étude de l'Unesco traitant de « l'impact de la colonisation sur les populations amazoniennes ».

Avec son premier roman, « le Vieux qui lisait des romans d'amour », traduit dans une quarantaine de langues, il invitait à repenser notre rapport à la nature, thème on ne peut plus actuel en cette période de réchauffement climatique et de pandémie virale.

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Chronique avec illustrations sur blogue Bibliofeel et Facebook à la page clesbibliofeel.




Lien : https://clesbibliofeel.blog
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