Au bonheur des îles

Autrefois, les femmes ramassaient leurs mèches, les nattaient, les attachaient, puis elles les laissaient retomber le soir pour leurs maris, un premier présent offert au coucher. Elles lavaient amoureusement leurs chevelures avec des savons exotiques et des laits rares, les parfumaient d’extraits de menthe et de plantes, les caressaient longuement pour obtenir de magnifiques ondulations, des cascades scintillantes, leur fière récolte, rideaux célestes s’écartant sur la réalité incontournable du visage, si bien que même les femmes laides pouvaient en tirer parti et être rachetées par des boucles exquises. C’est pour ça que nous nous éloignons rapidement des femmes qui laissent leurs cheveux perdre de leur valeur.

À table, la conversation était pleine d’aventures et de fraternité et, entre les hommes et les femmes, l’amour s’épanouissait, moite et abondant – il y en avait pour tout le monde. Vous aviez tellement l’impression d’en faire partie, et faire partie de tout ça, c’est exactement ce que vous avez toujours désiré.
Donc, vous fendez la foule à la porte pour entrer dans une atmosphère de sexualité latente, de mots, d’éclats de rire et de jazz, écartant les ivrognes et les héros, les nomades planétaires et les marins élancés, les dealers silencieux, les fonctionnaires, et ces hommes éteints qui ne pensent qu’à la politique, les touristes couverts de coups de soleil et ces femmes superbes de la Barbade qui vous fusillent de leurs yeux noirs quand vous les effleurez en passant et qui vous lancent, “Hé, dis donc mon gars, fais gaffe. Tu crois p’têt’ que tu peux tripoter les filles à la peau foncée ?”

Ce serait un signe de faiblesse. Quand tu donnes à des gens comme ça, ils ne t’en sont pas reconnaissants, ils ne te respectent pas. Ce qui se passe, c’est qu’ils te détestent. Ils pensent que tu es idiot de leur céder.

De temps en temps, je trouvais l’énergie de faire la tournée des bars et de coucher avec des hommes que je ne connaissais pas très bien. Vous avez déjà entendu ce genre d’histoires, je n’en doute pas. Mais c’était le bon moment, le bon endroit pour me laisser complètement aller. Si on ne le fait pas tant qu’on est jeune, alors je crois qu’on est condamné à rester toute sa vie parfait et irréel.