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Critique de kielosa


Lorsque j'étais étudiant à Paris et étais logé à la Maison Belge de la cité universitaire, Boulevard Jourdan, j'allais fréquemment prendre mon café à la Maison d'Iran tout proche : le café y était meilleur et les étudiantes plus jolies.
C'était l'époque précédant la révolution des mollahs, des ayatollahs, des barbus et des corbeaux, où regarder une belle fille n'équivalait pas automatiquement à un péché capital ou à un poing direction Allah.

J'ai bien aimé comment la petite Abnousse Shalmani, à Téhéran à 6 ans, se mettait à poil, et 2 ans plus tard, couvrait les murs de sa chambre à Paris d'images de nues, pour tourner en dérision les prescriptions vestimentaires ridicules des mollahs. Ou comme la gamine le formule elle-même : "ça fait fuir les barbus". (page 98).

L'auteure explique de façon tout à fait convaincante la stupidité et l'hypocrisie de ces obsessions vestimentaires des gris et vieux mollahs. En couvrant le corps des femmes, pour qu'elles n'aient pas l'air de putes, ces messieurs obtenaient exactement le contraire. Les hommes détaillèrent le corps des femmes pour soi-disant être sûr que ni une mèche rebelle ni un bout d'orteil nu (horreur) ne soit visible. Et dire que du temps de Rouhollah Khomeiny (1902-1989) et de ses illustres successeurs, des dizaines de milliers de gardiens de la Révolution et des agents de la police des moeurs passaient leur temps à contrôler sans pitié l'application stricte des normes vestimentaires ! Ces braves gens auraient mieux fait de labourer la terre, plutôt que d'enquiquiner et parfois carrément d'abuser des femmes.

Bien que non-croyant, je sais naturellement que chaque religion dispose de préceptes, règles, traditions, ... qui ne soient pas simples à comprendre, la "awra" islamique ou toute partie du corps qui doit être obligatoirement couverte en est un parfait exemple, comparable à la sainte trinité et immaculée conception chez les catholiques par exemple. Peu importe la sémantique d'ailleurs, l'interprétation particulière de la "awra" par les ayatollahs chiites résulte pour les femmes dans une injustice et discrimination effarantes.

Abnousse Shalmani est née à Téhéran en 1977, un 1er avril, qui deviendra, par une amère ironie du sort, 2 ans plus tard, le jour de la proclamation officielle de la république théocratique islamique d'Iran. Pour l'auteure donc un double anniversaire.

Son ouvrage constitue pour une large part un récit de sa prime enfance et adolescence de 1977 à 1985 dans la capitale iranienne et à partir de 1985 à Paris, où sa famille a fui le régime de Khomeiny et consorts.

L'ouvrage est conçu en des brefs chapitres, qui au début alternent Téhéran avec Paris, à partir de la prise de pouvoir par Khomeiny et sa clique, jusqu'à la période 2012-2013 à Paris. L'ensemble fait 334 pages.

Il sort amplement de son récit que la petite Anousse était déjà comme gamine une forte tête aux idées originales. Son père étant un érudit et grand lecteur, elle passait également beaucoup de temps dans les livres. À peine arrivée en France, son père lui fit apprendre la langue du pays en lui passant "Les Misérables" de Victor Hugo. Si Fantine et Cosette devenaient ses héroïnes, ce fut Jean Valjean qui devint son guide.
"J'ai très vite perdu ma langue maternelle. La faute à Hugo, certainement. Mais surtout à Khomeiny. le persan était trop lié à Téhéran et aux barbus..."

Avant de partir pour la douce France, la petite Abnousse a encore connu la frayeur des bombardements de sa ville natale, à la suite de la guerre entre moustachus et barbus. La guerre Iran-Irak qui a été déclenchée en septembre 1980 et a duré 8 longues années et dont le nombre de morts est estimé à 1,2 million de militaires et civils.

En France, après avoir obtenu un diplôme d'histoire, l'auteure s'est lancée dans la réalisation de courts-métrages documentaires et est finalement retournée à son amour de jeunesse : les livres. En 2014 l'essai présent et en 2019 un autre essai "Éloge du métèque". L'année précédente elle avait publié son premier roman, "Les exilés meurent aussi d'amour".

Moi, qui ne regarde que très rarement la télé, même en période de confinement comme maintenant, je suis un jour, d'ailleurs tout à fait par hasard, tombé sur un débat d'actualité politique auquel participait Abnousse Shalmani et j'ai été impressionné par ses vastes connaissances et sa façon convaincante de présenter ses arguments. J'ignorais encore qui était cette Iranienne au juste, mais je me souviens d'avoir fait la réflexion que dans un sérieux débat avec cette Abnousse, il valait mieux se trouver de son côté.
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