Comment peut-on vivre dans ce monde si on ne fait pas confiance aux gens? elle avait ajouté avec le sourire paisible qui la caractérisait : Il y a beaucoup plus de gens gentils que de méchants.
Jusqu'où remonte le souvenir qu'on garde d'un être humain? Le souvenir d'une mère?
La mémoire engendre toujours le remords.
Mais quand même ! Elle aurait pu m'envoyer à l'école ! Elle l'a fait pour mon frère, qui a fréquenté un établissement japonais ; pour ma grande sœur aussi. Mais pas pour moi. J'ai vécu dans un monde obscur, sans la plus petite lumière pour m'éclairer, et ça toute ma vie...
Mais une maison, c'est différent. Si magnifique soit-elle, elle s'effondre si on la délaisse. Elle ne vit que quand des êtres humains l'astiquent, la bichonne et y tournent en rond.
J'ai été impressionnée par la volonté de vivre de ce jeune arbre. Si maman me l'avait donné, c'était peut-être pour que je puisse m'émerveiller en voyant ses branches se multiplier et son tronc grossir. Ou voulait-elle me dire qu'il fallait du soin pour récolter du fruit ?
Grande sœur, ne laisse pas tomber maman ! Trouve-la, pour moi.
Quand elle t'achetait une paire de caoutchoucs, elle t'en faisait essayer plusieurs, puis elle marchandait, mais, cette fois-ci, elle t'avait laissée décider et ne semblait pas vouloir discuter le prix. A tes yeux, la librairie ressemblait à une immense prairie. Tu ne savais pas quel ouvrage choisir. Si tu avais réclamé un livre, c'était parce que tu lisais toujours ceux que ton frère empruntait et qu'ils te reprenait avant même que tu les aies finis.
Quand ai-je compris qu'elle ne savait pas lire?
Vous avez été mon péché, mon bonheur.
Sa théorie était qu'il y avait des situations, la guerre par exemple, où on était dépassé par les événements, mais qu'en dehors de ça, il ne fallait pas jouer avec sa propre vie.
J’attends avec impatience que mon petit dernier grandisse. Quand je pourrai le mettre dans une garderie ou le confier à une nourrice, je reprendrai mon travail. C’est vrai, il faut que je vive ma vie. Chaque fois que je pense à cela, je me dis que je ne comprends pas comment maman a pu supporter celle qu’elle a menée. Admettons que, dans la situation où elle se trouvait, elle ne pouvait pas faire autrement que de s’occuper de nous. Mais… comment avons-nous pu nous comporter comme si elle était née pour n’être que cela : une mère ? (…) Elle s’est sacrifiée corps et âme, en se débrouillant de son mieux avec les mauvaises cartes que son époque lui avait distribuées – la pauvreté, la tristesse et la solitude –, en renonçant à toute espérance. Comment est-il possible qu’il ne me soit jamais venu à l’esprit qu’elle aussi avait nourri des rêves ?
(p. 248, Epilogue, “Un chapelet « en bois de rosier »”).