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Critique de nilebeh



Muo, surnommé Freudmuo par ses collègues étudiants, est un Chinois du Yunnan venu de France. Il donne, gracieusement, des consultations d'interprétation de rêves car il a été formé en psychanalyse. Il circule dans les trains chinois, banquettes dures ou même place allongée sous les sièges, avec une valise qu'il enchaîne au porte-bagages. Une distraction, une jeune fille un peu câline et la valise pleine de ses précieux livres français disparaît. Il croyait caresser son pied, en fait, il caressait un manche à balais ! Sa valise et ses belles chaussures occidentales se sont volatilisées avec la belle. Heureusement les dollars cachés dans son slip sont toujours là.

Où va-t-il ainsi, avec une deuxième valise encore attachée par une chaîne ? Petit-fils de pasteur,, Muo a vécu la Révolution culturelle (1966-1976). Il est arrivé à Paris au début des années 90.

Arrivé à destination, il interroge l'Embaumeuse de cadavres. Il veut faire sortir de prison Volcan de la Vieille Lune, retenue par le juge DI. C'est une amie étudiante.

Muo raconte les années 80, pas de taxis, une machine à laver est un produit de luxe que l'on ramène chez soi attaché au vélo. Les voisins de la cour s'agglutinent pour admirer la merveille.

L'Embaumeuse raconte son histoire : elle a rencontré son mari à la morgue, lors de l'embaumement de la mère de son mari. En Chine, on ne s'approche pas de la dépouille d'un parent ou proche si on est embaumeur. Lui a voulu le faire. Sa mère était linguiste, travaillait sur les langues de la frontière sino-birmane. Ils se marient mais, étant homosexuel, Jian, le mari, se jette par la fenêtre avant la nuit de noces. C'est ainsi qu'à quarante ans, l'Embaumeuse est toujours vierge et déjà veuve !

Muo décide de partir délivrer Volcan de la Vieille Lune sur son vélo avec à l'arrière un étendard de tissu blanc orné de l'idéogramme signifiant « rêve » au bout d'une canne de bambou. le voilà devenu psychanalyste ambulant !

Il connaît un certain succès, recueille les rêves des gens et, contre toute attente, leur fait des sortes de prédictions. Il cite Freud, Jung et Lacan à tout propos. Sans cesse, il se réfère aux grands poètes occidentaux : Rimbaud, Baudelaire, les Américains Ezra Pound, T.S. Eliot, Robert Frost.
Il rencontre le juge Di, sorte de monstre de froideur et de méchanceté, qui exige pour prix de sa clémence une vierge en offrande. Muo part à la recherche de ce produit rare...

Tel un don Quichotte chinois, il traverse la Chine vers l'ouest, déclenche l'amour déraisonnable d'une vieille de 50 ans (!) qui vend des femmes de ménage au marché sous le sobriquet de Madame Thatcher ! Affolé, Muo s'enfuit !

Mais le drame se produit : il trouve le juge di mort sur la table de l'Embaumeuse. Que va-t-il advenir de Volcan, prisonnière du juge ?
Soudain, scène d'horreur et drôlatique à la fois : le juge se redresse, furieux qu'on ait commencé à l'embaumer ! Fuite éperdue de Muo...

Des scènes typiques de la Chine émaillent ce roman : queues interminables au guichet, salles d'attente des gares bondées, dans une odeur de sueur, de mégots et de nouilles instantanées. contrôles musclés dans les trains bondés ; enchevêtrements de vélos ; bagages volés.

Et de véritables bijoux de peintures chinoises : flancs abrupts de montagnes parsemés d'azalées et de rhododendrons, fleuve ocre au fond d'un défilé, paysans courbés dans leurs champs, jeunes filles aux pieds délicats.

Enfin, Muo devient « un homme » par la grâce de l'Embaumeuse qui, elle-même se trouve enfin dépucelée par le psychanalyste. A quarante ans, les deux deviennent des grands ! Mais elle est arrêtée, Muo va être accusé d'ourdir des meurtres, il se rend à la police mais, prévoyant, il achète dix livres en français, de psychanalyse et autres, avant de rencontrer le commissaire.
Dans le bureau de ce dernier, il y a sept énormes armoires bourrées de lettres de dénonciation savamment classées (parents-enfants, mari-femme, etc.) Il y en a une pleine d'autodénonciations !
On est à Chengdu (Sichuan). Muo veut se rendre à Kunming (Yunnan), de là gagner Rangoon puis prendre un vol pour Paris.
Il prend encore le train (banquettes dures!), se couche sous les sièges sur un imperméable pour ne pas être sali, il est rejoint pat Petite soeur Wang. En mastiquant la nourriture du train, un calmar-chewing-gum, il perd son incisive qu'il replace dans sa bouche avant de la perdre dans celle de Wang lors d'un baiser !

Wang devient intéressante : elle est vierge et, s'il l'emmène à Paris, elle se laissera prendre par le juge Di. Muo la renomme Petit Chemin.
Le voyage se poursuit avec ses péripéties : attaque par les Lolos, peuple tibéto-birman acrobate et voltigeur qui saute dans les trains en marche, nouvelle attaque par les mêmes Lolos (appelés Yi aujourd'hui), cette fois de l'autobus brinquebalant qui escalade la montagne, accident dû au conducteur qui raconte des histoires salaces. le tout sur fond de montagne fleurie, en apparence paisible...


Dai Sijie rend hommage à tous les arts dans son livre : la peinture (ici, c'est surtout la peinture chinoise que je perçois), la poésie occidentale et chinoise, la musique (Ravel et son Boléro), la photographie (ses évocations de foule, de personnages ou de paysages évoquent des clichés travaillés)
la littérature traditionnelle chinoise, les textes sacrés ou philosophiques. Ce roman est à lui seul une mine de références culturelles, sans affectation ni rien d'artificiel.
Un bon moment de lecture.
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