Les poètes souvent ont parlé des ténèbres. Ils en parleront toujours, et pour cause. Tout ce qui est tissé de l'ombre de la nuit est paré d'un charme inégalable aux être de Mortalité.
Pourquoi pas ? Nous aimons ce qui nous fait peur, êtres de chair et de sang dans un monde aux angles durs, êtres d'âme et d'esprit dans un univers sans lignes droites. Nous aimons ce qui nous détourne du chemin d'épines de nos vies rigides, la transgression et le doute ; et, oui, même cette douleur qui nous viens parfois de marcher sur les chemins escarpés de la noirceur de nos propres veines, nous l'aimons.
Nous sommes peut-être moins des êtres que des fronts nuageux, des tempêtes soudaines, des éclairs, des coups de feu et de foudre. Le miroir et l'inspiration, pour les plus hauts d'entre nous, de ce qui fait la hauteur des montagnes, la profondeur des gouffres, les rigueurs et les langueurs du climat.
Il y a toujours des pieds qui veulent le flanc des montagnes, des plongeurs prêts à descendre au cœur du ventre de la mer ; et des enfants, ivres et joyeux, pour aller exposer leur visage à la pluie ; danser, peut-être, sous les averses et les déluges. Pour aller chercher l'extase sur les pics, malgré les terribles rugissements du vent.
[Dialectique des désirs]
Comprends nos cœurs, Faìdh : nous paraissons insouciants, et épris de plaisir. Et en un sens c’est vrai. Nous sommes intoxiqués aux sensations que nous délivrent nos sens aiguisés. Notre plaisir est autre. Excessif, égoïste et violent. Nous désirons. Nous désirons continuellement. Rien ne nous apaise. Nous voulons, nous prenons, sans nous soucier de rien d’autre que de notre assouvissement. Les caprices des Seelie, en cela, ne sont déjà pas modestes. Mais Ombre… Ombre est pire. Elle se réjouit dans la guerre, se délecte de l’épreuve, s’enivre du conflit. Tout lui est duel, et confrontation à ses propres limites. Elle tend vers la Nuit.
Elle se justifie dans cet apex, cette extinction des lueurs des joies simples, ce refus de l’abondance. Elle préfèrera toujours le parfum lourd des jasmins au goût rond des pêches.
(Passing By)
Ah, passe, Kelis. Passe, comme un cavalier. Il faut tout passer d’un pas de cavalier, en ce monde. Avec indifférence, ou hauteur.
(L'Épingle)
— N’as-tu pas entendu mon récit ? Nous sommes les jouets du destin, et les jouets les uns des autres. Des papillons. Voilà ce que nous sommes : des papillons, épinglés dans la collection de qui saura nous attraper. Un dieu, un enfant, qui nous voit comme des exemplaires, des pièces, des morceaux, dans une série de boîtes. Il ne regarde que le dessin final, pas les piqûres, si fines, de ses aiguilles dans nos ailes. De l’épingle elle-même, il ne contemple que la sûreté de son propre geste, tandis qu’il nous clouait, là, comme un parchemin à son mur. Pas le travail du métal qu’il a enfoncé dans notre matière vive. Pas les conséquences pour nous. L’importance de chaque papillon est très dérisoire, comparée à la réussite d’une collection.
(L'épingle)
Le Jeu des Cours, qui fut la principale préoccupation de tant et tant de nos siècles, a des conséquences collectives, évidemment. Les manœuvres des Monarques entraînent les peuples, qui en payent les gabelles, génération après génération. Mais il a aussi des contrecoups hautement individuels. Pour bien des êtres, pris dans les tourbillons de "ces batailles pour du vent".