Casser un miroir, c'est libérer un des monstres qui rôde de l'autre côté. En tout premier lieu, l'illusion de soi qu'on appelle le reflet.
Pour sept ans selon le dicton... Pour sept ans selon le contrat.
[Cendre|Alexeï - Elisabeth Ebory]
Si le double semble faire perdre à l'homme sa prise sur le monde qui l'entoure, on peut alors s'étonner de ses nombreuses tentatives pour fabriquer un autre lui-même. Pour comprendre cela, sans doute faut-il se replonger dans les textes fondateurs. Dieu n'a-t-il pas créé l'Homme à son image ? A moins que ce ne soit l'Homme qui ait créé les dieux à son image ! La schizophrénie serait-elle alors d'essence divine ? Si elle ne l'est pas, elle est certainement d'essence créatrice, ce que l'on comprend aisément lorsque l'on saisit les liens étroits que le thème du double entretient avec d'autres thèmes et motifs Fantastiques : la peinture, la sculpture ou la photographie, par exemple.
[Les Angoissants Avatars du "Je" - Denis Labbé]
Face à notre reflet, à cette image qui ne ressemble jamais à celle que nous nous faisons de nous-même, nous nous retrouvons immanquablement à l'impersonnifier, à essayer, de l'interpellation à la grimace, de communiquer. Et la copie, rassurante, nous singe. Mais.
Mais... que fait notre reflet quand nous avons le dos tourné ?
C'est l'éternelle question que les enfants se posent à propos de la lumière dans le réfrigérateur. Est-elle allumée quand nous fermons la porte, ou s'éteint-elle ? Et qui ne s'est pas amusé à essayer de fermer tout doucement le battant, cherchant à capter l'immatériel moment où l'obscurité se fait ?...
Le reflet engendre les mêmes interrogations a priori absurdes, et l'on peut se retrouver à guetter dans le tain une expression suspecte, un geste anormal. Du coin de l'œil peut-être, oui, pourrons-nous saisir ce que devient le reflet quand nous nous en détournons ; car malgré son aspect irrationnel, la question ne se délite jamais tout à fait. Que fait-il ? Qu'est-il ?
[Dans le carbone, dans la glace - Léa Silhol]