Elle s'interrogea sur la transformation de cet homme en monstre sanguinaire. Comment est-il apparu ? Comment du jour au lendemain décide-t-il de franchir la barrière de l'horreur en se délectant de la souffrance d'autrui ? [...] Mais cela signifiait-il qu'une grande partie des êtres humains, soi-disant civilisés, sans la peur de la police, deviendraient automatiquement des barbares innommables comme dans les temps plus anciens ? Cela prouverait-il que l'humanité n'avait finalement évolué qu'en apparence en se mettant des œillères collectives pour dissimuler sa vraie nature ?
Il aimerait tellement l'entraîner dans un coin isolé. Ce n'était pas ce qui manquait dans cette immense forêt des égarés. Hélas, le courage ne faisait pas partie de ses qualités premières. La peur d'être surpris sur le fait le bloquait. Alors, il se contentait de la traquer régulièrement en s'imaginant des tas de scénarios plus agréables les uns que les autres... Enfin, agréables pour lui, mais beaucoup moins pour son hypothétique proie...
À chacun de ses méfaits, Joshua gagnait un peu plus confiance en lui. Chaque fois que le sang coulait par sa main, c'était comme s'il remplissait le vase de son assurance. Il ne s'inquiétait même plus de laisser sur ses scènes de crime, des empreintes, des poils, du sperme ou n'importe quels autres éléments organiques qui permettraient une identification ADN. D'autant qu'il n'avait aucun casier judiciaire.
S'inventer un compagnon de jeu avec qui converser lorsqu'on était un enfant unique et introverti ne surprenait personne. En revanche, continuer de communiquer avec cette entité invisible à l'âge de trente-huit ans paraissait atypique, voire effrayant. En tout cas, cette voix imaginaire, qu'elle nommait depuis toujours Clémentine, lui semblait bien réelle et elle la protégeait. [...] Étrangement, elle ressentait de l'affection voire de l'amour pour Clémentine. Cette présence créée par son esprit la rassurait. C'était peut-être étonnant de donner un nom à une capacité ou à une partie de son corps, mais après tout elle avait entendu dire que des hommes en faisaient de même avec un certain organe plus ou moins grand de leur anatomie ! s'amusait-elle à penser pour se rassurer.
La peur, cette émotion primitive qui dominait toutes les autres et renforçait son sentiment d'omnipotence.
La dépouille de la jeune femme blonde ne laissait que peu de doute sur ce point : le corps était couvert de lacérations et de profondes entailles. Les seins étaient entièrement écorchés ante-mortem hormis les tétons qui ne tenaient plus que par un fin bout de peau. Un travail net et précis presque professionnel. La police n’excluait pas qu'elle ait été violée avant la boucherie... et après. En revanche, ce qui ne laissait aucun doute au médecin légiste, c’était que la victime était toujours en vie durant les mutilations.