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Critique de Woland


Peut-être est-ce la période un peu difficile que je traverse actuellement qui le veut mais je compterai ce "Maigret" parmi ceux qui m'auront le moins "accrochée." Simenon semble hésiter, dès le début, à choisir son personnage-clef - et ca, c'est très déstabilisant. Au début, on pense que cela va être la "folle", cette vieille dame, Mme Antoine de Caramé, qui rôde des jours et des jours devant le 36, fait une timide incursion dans la cour, demande très officiellement à voir le commissaire et, celui-ci l'ayant fait recevoir par l'un de ses inspecteurs, décide de le guetter à l'heure de la sortie des bureaux, le soir.

C'est une vieille dame charmante, aux traits fins et encore beaux, qui ne se plaint que d'une seule chose : les objets changent de place chez elle. Oui, elle s'absente et pouf ! quand elle revient, les bibelots ne sont plus tout à fait posés comme ils l'étaient. Pensez, ça fait plus de quarante ans qu'elle vit dans son appartement du quai de la Mégisserie ! Elle sait de quoi elle parle. Un point de départ qui rappelle celui de "Cécile est Morte", à ceci près que Mme de Caramé vit absolument seule. Bon, évidemment, avec une telle histoire, on ne trouvera pas trop étonnant que les inspecteurs de Maigret aient rangée l'aimable et distinguée vieille dame parmi les "fous" et les "folles" qui viennent parfois égayer le Quai des Orfèvres. Maigret cependant, après son bref entretien avec la vieille dame sur le chemin du retour boulevard Richard-Lenoir, sent s'éveiller sa curiosité et lui promet de lui rendre visite sans faute dans la semaine.

Il n'en aura pas le temps : Mme de Caramé est retrouvée morte, chez elle. On suppose qu'elle est rentrée trop tôt et qu'elle a surpris le fameux inconnu qui déplaçait ses objets non pour lui faire peur mais plus vraisemblablement parce qu'il cherchait quelque chose. Mais quoi ?

Mme de Caramé lègue tout à sa nièce, masseuse de son métier, Angèle Louette, une femme à la carrure un peu forte et, à vrai dire, aux manières assez rudes. La Vie ne lui a pas fait de cadeaux et elle n'en attend plus grand chose. C'est alors que, brusquement, sans - à mon avis - sa finesse habituelle, Simenon tourne l'intégralité de ses projecteurs sur Melle Louette. Oh ! c'est loin d'être inintéressant et, comme Maigret, le lecteur soupçonne un temps Angèle. Seulement, il a bien du mal à choisir entre la sympathie et l'antipathie envers ce personnage.

Incontestablement, Angèle possède un côté "femme forte", femme décidée et qui sait se battre, qui ne peut que séduire. A côté de cela, elle a ses faiblesses comme par exemple celle d'entretenir plus ou moins un gigolo, Marcel. Pourtant, sa tante morte assassinée, elle le met à la porte et il échoue à l'hôtel où Maigret, évidemment, s'en va l'examiner d'un peu plus près. L'homme n'est pas vraiment antipathique. C'est un petit truand, sans aucune envergure. le voir en assassin, fût-ce de vieilles dames, c'est un peu trop lui accorder ...

Et pourtant ...

Mais enfin, cet assassin, quel qu'il soit, que pouvait-il bien chercher avec un tel entêtement ? de l'argent ? Hors de question, Mme de Caramé n'en conservait pas chez elle ou alors, très peu. Un dossier ? Dossier de qui ? de quoi ? Aucun des deux époux de Mme de Caramé n'avait occupé de poste important, par exemple aux Renseignements, à la Diplomatie ou à la Police, elle encore moins. Un bibelot ? Des bijoux ? Ils étaient tous sans grande valeur.

Alors, alors, alors ? ...

L'objet tant recherché est gras, c'est tout ce que l'on finit par découvrir, à la place où il se trouvait, sur une étagère, dans un placard ou une penderie. Et cette graisse pouvait fort bien servir à l'entretien d'une arme.

Mme de Caramé aurait-elle assassiné quelqu'un et voulait-on la faire chanter ? Ou connaissait-elle un assassin dont elle possédait l'arme et étai-ce elle qui pratiquait le chantage ? ...

Maigret s'ébroue : restons dans le vraisemblable. Donc, gardons l'hypothèse de l'arme mais cherchons ailleurs.

Il ne sera pas déçu du voyage et nous, non plus. le problème, c'est que l'analyse psychologique semble ici moins fouillée que d'habitude - notez qu'il s'agit en théorie de l'un des derniers romans mettant en scène Maigret - que l'auteur semble comme distrait et pas à son sujet.

Maintenant, je le répète, tout cela reste subjectif. Selon moi, Simenon nous a un peu trop alléchés avec Mme de Caramé, on était prêt à la prendre pour héroïne, même morte mais le personnage nous laisse en plan et révèle même des dessous un peu antipathiques - plus que sa nièce, c'est tout dire. Donner cent francs de l'époque à ladite nièce quand celle-ci s'est retrouvée enceinte, franchement, c'était se moquer d'elle ... Enfin, passons : tout ce qui brille n'est pas or et nous le savons bien.

"La Folle de Maigret" est donc à réserver aux seuls "fondus" du commissaire, de ses "méthodes" ("Je n'ai pas de méthode") atypiques, de ses pipes, de sa femme (toujours impeccable, parfaite, Louise Maigret) et de cet univers particulier du Quai des Orfèvres et d'un Paris qui, hélas ! n'est plus, les événements d'hier, 13 novembre 2015, nous l'ont encore tragiquement prouvé.

Mais il reste à lire. Et puis, vous pouvez fort bien ne pas partager mon avis ... ;o)
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