Le Labyrinthe du bout du monde

(...) en 1227, il avait exploré les labyrinthes souterrains d’un château cévenol, au risque de n’en jamais ressortir vivant. Cette peur se rattachait à un épisode de son enfance, quand son frère aîné, Léandre, s’était perdu dans les méandres d’une tombe hypogée. La mésaventure avait eu lieu dans les Pyrénées, par un après-midi d’été. Alors qu’ils jouaient à se poursuivre dans un bois, les deux frères s’étaient retrouvés au pied d’une montagne où ils avaient découvert l’entrée d’une tombe antique. Cédant à la curiosité, ils s’y étaient glissés. C’est alors que le petit Ignace avait perdu la trace de Léandre. Il l’avait cherché pendant des heures dans les galeries. En vain. Lui-même avait fini par se perdre dans cette tombe dont il était resté prisonnier deux jours durant, jusqu’à ce que son père le tire d’affaire. Mais Léandre, personne ne devait plus le revoir. Après ce drame, Ignace avait sombré plus d’une semaine dans un état proche du délire, tourmenté par des rêves où résonnaient les cris de désespoir poussés par son frère.

Deuxième partie. Chapitre 8

(...) Ignace de Tolède n’était pas particulièrement fier de faire grimper les enchères sur un objet à même d’encourager la plus grave des aberrations de la foi : la superstition.

Deuxième partie. Chapitre 8

Cependant, il avait caressé un rêve au temps de sa jeunesse. Il y avait certes renoncé depuis, mais autrefois il ne passait jamais une journée sans le nourrir de son imagination. Gagner la ville de Salerne, siège de l’École de médecine la plus renommée de la terre ! Il était encore petit quand lui était parvenue la légende de Constantin l’Africain, le savant qui avait fondé le Studium de Salerne, une figure qu’il n’avait jamais plus oubliée. Le moment n’était-il pas venu de rejoindre cette ville ?

Première partie. Chapitre 5

Peu d’années auparavant, on tolérait encore que les maîtres enseignent la philosophie naturelle et se réfèrent à Aristote. C’était même toujours le cas à Toulouse. Mais pas à Paris ! Ici régnait un traditionalisme qui s’obstinait à regarder la philosophie comme la servante de la théologie – une inférieure que l’on sacrifiait quand elle devenait gênante.

Première partie. Chapitre 3

La controverse porta sur l’affirmation voulant que la maladie fût la conséquence de la cause qui l’avait déclenchée, et sans laquelle le mal physique ne pouvait se manifester. Il y eut d’abord un échange d’opinions. Puis un étudiant objecta que, s’il plaisait à Dieu, la maladie pouvait au contraire se manifester sans avoir besoin de cause. Suger nia que ce fût possible. Même Dieu ne pouvait contrevenir aux lois de la nature, expliqua-t-il, puisqu’Il les avait créées. Un principe divin, dit-il encore, ne pouvait se contredire lui-même.

Première partie. Chapitre 3

Magister. Conrad se faisait appeler ainsi depuis environ deux ans, depuis que le Saint-Père lui avait confié une mission de grande importance, preuve indéniable d’une élection, mais aussi terrible fardeau. Personne, jusque-là, ne s’était encore vu confier la charge d’une enquête sur l’hérésie dotée d’un objectif précis : l’éradiquer à tout prix. Un tel pouvoir le plaçait au-dessus de n’importe quel évêque, prieur ou abbé, et il inspirait à tout un chacun une crainte respectueuse.

Prologue

page 158; Ed. Pocket:
"Certains hommes n'étaient nés que pour tourmenter les autres en les précipitant dans les cercles de l'enfer, pour écraser toute forme de volonté et de pensées."